Le cancer est la principale cause de mortalité au pays. Près d’une personne sur deux en sera atteinte au cours de sa vie. Toutes les 24 minutes, quelqu’un en meurt au Québec.

Devant des données d’une telle ampleur, nous avons l’obligation de déployer tous les moyens à notre disposition pour sauver un maximum de vies. Surtout lorsque des solutions existent et sont à portée de main.

Malheureusement – les oncologues et les groupes de patients vous le diront – beaucoup trop de personnes meurent en attendant des thérapies salvatrices... Non pas parce qu’il n’y a rien pour les aider, mais à cause des retards bureaucratiques dans le processus d’approbation, de remboursement et d’accès aux médicaments.

Chaque semaine, nous recevons des appels de patients et de leurs familles qui nous font part de leur tristesse et de leur désolation. En plus de lutter pour leur vie, ils doivent se battre contre un système qui ne s’est jamais adapté à notre époque.

Le Canada se classe au 19e rang parmi les 20 pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) quant à l’accès aux traitements pour le cancer.

Une étude du Conference Board du Canada concluait l’an dernier que les traitements novateurs contre le cancer pourraient ajouter pas moins de 225 000 années de vie supplémentaires aux citoyennes et citoyens du pays, si on s’assurait que les patients admissibles y aient accès.

Les leçons de la pandémie… et du VIH

La pandémie de COVID-19 a révélé que notre système de santé et les organismes qui l’encadrent sont capables d’innover et de s’adapter rapidement, lorsque les circonstances l’exigent. Pour sauver des vies, nous avons accéléré des processus et fait tomber des contraintes inutiles comme jamais auparavant.

Dans le même esprit, dans les années 1980, le mouvement Act Up a forcé les différents organismes de réglementation et les producteurs de médicaments à repenser leurs méthodes habituelles de production, de test et de fixation des prix, afin d’accélérer l’accès à des traitements contre le VIH.

À l’époque, toute personne atteinte du VIH risquait une mort certaine et rapide, et seul un traitement efficace pouvait la retarder ou la prévenir. Un essai clinique randomisé long et coûteux n’était pas vraiment nécessaire.

Pourquoi ne faisons-nous pas progresser les soins de santé pour le cancer avec le même sentiment d’urgence ? Pourquoi continuons-nous à utiliser des processus manifestement désuets et lents ?

Les exemples d’aberrations de notre système s’accumulent. Pour n’en nommer qu’une seule, pensons aux nombreux traitements intraveineux qui sont désormais disponibles en format sous-cutané. Ces traitements pourraient maintenant être reçus sous la forme d’une injection, en 15 minutes dans un CLSC, au lieu de mobiliser plusieurs membres du personnel d’un hôpital pendant trois longues heures. Or, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) demande une réévaluation complète de chaque traitement, même s’il s’agit d’une molécule déjà approuvée sous une autre forme et pour laquelle les preuves scientifiques abondent. C’est mieux pour le patient, moins cher pour le système, mais la bureaucratie fait obstacle au progrès.

Cessons d’être complaisants

À l’Assemblée nationale, les parlementaires viennent de reprendre l’étude du projet de loi 15, censé « rendre notre système de santé plus efficace ». Si les mots ont un sens, la modernisation du processus d’approbation des traitements contre le cancer devrait faire partie des enjeux à l’ordre du jour.

Il est temps que les régulateurs gouvernementaux commencent à travailler avec les patients, les cliniciens, l’industrie pharmaceutique et les scientifiques pour changer les choses. Il ne s’agit pas de réinventer la roue. D’autres juridictions utilisent la conception adaptative et approuvent les nouveaux médicaments sous conditions, sur la base de données prometteuses, avec l’obligation de fournir des données supplémentaires par la suite. D’autres pays adoptent des soins de santé axés sur la valeur, et essaient de nouvelles méthodes pour accélérer l’accès aux médicaments.

Qu’attendons-nous pour faire de même au Québec et au Canada ? Nous devons cesser d’être complaisants et exiger le changement.

* Le Dr Gerald Batist écrit au nom de Physicians for Improved Access to Healthcare (Médecins pour un meilleur accès aux soins de santé)

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