Coup de théâtre ? Assassinat maquillé en accident ? Simulation de sa propre mort ? Règlement de compte ? Comment expliquer la mort d’Evguéni Prigojine ?

Un écrasement d’avion mystérieux

Les raisons de l’écrasement de l’avion, un jet privé qui transportait 10 personnes, dont Evguéni Prigojine, le chef de la milice Wagner, selon l’aviation civile russe, restent encore indéterminées. Bien que dès le départ, plusieurs sources ont affirmé qu’il s’agissait d’un missile de défense antiaérienne, les États-Unis, par le biais du Pentagone, ont affirmé que rien ne laissait présager que c’est un missile qui a provoqué l’écrasement de l’avion. D’autres médias russes et occidentaux ont évoqué quant à eux une explosion à bord de l’avion.

Pour les gouvernements occidentaux, le seul coupable, c’est Poutine.

Si la cause de l’écrasement de l’avion fait débat, ce n’est pas le cas pour savoir qui est responsable. Que ce soit en Europe, ou outre-Atlantique, en Amérique du Nord, tous sont unanimes : il s’agit d’un coup orchestré par Vladimir Poutine. Les déclarations des États occidentaux vont dans un seul et même sens. À titre d’exemple, questionné sur le sujet, le président des États-Unis, Joe Biden, a répondu que « peu de choses se passent en Russie sans que Vladimir Poutine n’y soit pour quelque chose ».

Pour le gouvernement allemand, « ce n’est pas un hasard ». En France, le ministère des Affaires étrangères a ironisé sur le « taux de mortalité élevé parmi les proches de Poutine ».

En Ukraine, pour un conseiller du gouvernement, « c’est un signal de Vladimir Poutine aux élites russes avant les élections de 2024. Vladimir Poutine ne pardonne à personne ». Volodymyr Zelensky a lui-même déclaré que « l’Ukraine n’a rien à voir là-dedans et tout le monde comprend qui est impliqué ».

Mais dans un monde où une rumeur ou une information non vérifiée relayée en masse par les médias et les réseaux sociaux devient une vérité absolue en quelques heures, la prudence est de mise.

Plusieurs hypothèses

Différents scénarios sont envisageables. Certes, comme le soutiennent les gouvernements occidentaux, peut-être est-ce Poutine qui a décidé d’éliminer Prigojine. Après tout, ce ne serait pas la première fois que le président russe se débarrasse d’une personne influente qui se rebelle contre lui. Les disparitions « mystérieuses » de plusieurs oligarques russes par le passé en sont la preuve.

Les 23 et 24 juin dernier, insatisfait par le manque de moyens et de munitions fournis par le gouvernement russe, Prigojine avait décidé de se rendre avec ses hommes à Moscou, avant de finalement se raviser. Poutine l’avait alors qualifié de « traître ».

Mais une question reste en suspens : pourquoi Prigojine, mercenaire et combattant reconnu mondialement, qui connaît Poutine depuis près de 30 ans et qui donc connaît tous les rouages du système poutiniste, qui se sait surveillé par le gouvernement russe à la suite de sa rébellion avortée, aurait-il pris le risque de monter dans un avion à Moscou et d’emmener avec lui son bras droit, Dmitri Outkine, surnommé « Wagner » ? Cette hypothèse est donc possible, mais elle n’est ni prouvée ni argumentée pour le moment.

Par ailleurs, il faut aussi rappeler que par le passé, les médias russes ont déjà annoncé deux fois la mort de Prigojine. Une première fois en 2019, lors d’un écrasement d’avion au Congo, Prigojine avait été déclaré mort ; puis une deuxième fois en 2022, dans la région de Louhansk, dans l’est de l’Ukraine. C’est donc la troisième fois que le chef de Wagner est annoncé mort.

Prigojine aurait-il mis en scène sa propre mort ? Le 27 août dernier, la Russie a officiellement reconnu la mort de Prigojine « à l’issue d’expertises génétiques ». Or, cette information a été rapportée seulement par les autorités russes, qui pourraient avoir un lien avec le Kremlin et ainsi servir les intérêts du gouvernement russe.

Certains journalistes et spécialistes parlent d’un accord secret entre Poutine et Prigojine : simuler la mort du chef de Wagner, une punition pour son acte de rébellion, afin que Poutine reprenne le contrôle de la milice. À la suite de l’écrasement, Poutine a d’ailleurs immédiatement fait passer un décret obligeant les hommes de Wagner à jurer « fidélité » et « loyauté » à la Russie et à « suivre strictement les ordres des commandants et des supérieurs ».

Un règlement de compte interne à Wagner n’est pas non plus à exclure. Fin 2022, la milice comptait environ 50 000 combattants, selon les États-Unis. Ce chiffre a été confirmé au début de l’année 2023. Parmi eux, nombreux sont ceux qui ont qualifié Prigojine de « lâche » suite à sa rébellion avortée contre le gouvernement russe.

Présentement, avec les informations dont nous disposons, aucune hypothèse ne peut être vérifiée et aucune piste n’est à exclure. Une enquête indépendante et transparente s’impose. À l’heure où le bon sens a laissé place aux croyances, il est important de rester prudent et rationnel, afin de ne pas se laisser aller à des affirmations purement idéologiques.

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