« De l’air pur pour des ciels bleus ». Jusqu’à tout récemment, cette journée internationale établie par l’Organisation des Nations unies (ONU) en 2019 pouvait sembler loin des préoccupations des Québécois. Après tout, le Québec n’est pas Lahore (Pakistan) ou New Delhi (Inde), où la qualité de l’air était parmi les cinq pires villes du monde en 2022.

Le dossier du nickel, celui de la Fonderie Horne et les incendies de forêts de cet été, historiques, ont toutefois brusquement mis, cette année tout particulièrement, la qualité de l’air à l’avant-plan de l’actualité nationale, exposant ainsi les limites de nos connaissances collectives et des réponses gouvernementales. Maintenant que la plupart des incendies de forêt sont maîtrisés sur le territoire, il est temps de prendre une grande respiration et de faire le point sur certains éléments liés à cet enjeu crucial.

La plupart du temps, nous oublions que nous respirons chaque jour un cocktail de polluants atmosphériques ayant des impacts sur la santé humaine. Santé Canada rapporte 4000 décès prématurés par année au Québec associés à la pollution de l’air.

L’évolution des connaissances scientifiques démontre pourtant que les effets néfastes des polluants atmosphériques débutent à des concentrations plus basses que ce qui était autrefois considéré comme acceptable.

En effet, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a récemment révisé à la baisse ses lignes directrices sur les niveaux au-delà desquels les concentrations de multiples polluants atmosphériques sont associées à des risques importants pour la santé publique, afin d’inciter les gouvernements à resserrer leurs normes de qualité de l’air.

La nécessité d’avoir de nouvelles normes

Au Québec, la surveillance de la qualité de l’air est encadrée par la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). Les données recueillies par le ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP) servent notamment au calcul d’un indice de la qualité de l’air (IQA), par secteurs et régions, afin d’informer en continu la population selon une classification qui indique si elle est bonne, acceptable ou mauvaise.

Cependant, les valeurs de référence utilisées pour évaluer l’IQA ne concordent pas avec les dernières recommandations de l’OMS. Elles ne représentent donc pas le risque réel associé à l’exposition aux polluants atmosphériques.

Ainsi, même lorsque la qualité de l’air est considérée comme étant bonne selon l’IQA, les niveaux de polluants génèrent des risques pour la santé humaine… et la population est conséquemment induite en erreur.

De plus, alors que certains pays révisent actuellement leurs standards nationaux en conséquence, le MELCCFP a récemment affirmé ne pas avoir de projet pour revoir les normes québécoises actuelles… qui datent de 2011 et permettent des concentrations de polluants atmosphériques plus élevées que les lignes directrices de l’OMS.

Or, bien avant les incendies de forêts de cet été, une analyse menée par l’AQME des données de 37 stations de mesure de qualité de l’air à travers le Québec en 2021 fait ressortir que 33 d’entre elles (92 %) dépassent la valeur guide de l’OMS pour la concentration moyenne annuelle de particules fines PM2,5, lesquelles « désignent les aérosols en suspension dans l’air sous forme solide ou liquide [et dont la] composition dépend de leur provenance, de la saison et des conditions atmosphériques ».

Protéger le public

Les enjeux liés à la qualité de l’air prennent une place grandissante en raison des effets négatifs qu’ont les changements climatiques. Les médecins qui participent à l’AQME sont à même de constater les impacts d’une mauvaise qualité de l’air sur la santé des patients et des patientes : de plus en plus, ils et elles en parlent spontanément lors des suivis, partageant leurs préoccupations à cet égard.

En cette Journée internationale de l’air pur pour des ciels bleus, nous sommes d’avis que de nouvelles normes de qualité de l’air, une refonte de l’IQA ainsi qu’un programme de gestion de la qualité de l’air robuste et systématique sont requis.

Plus précisément, il nous apparaît important de modifier les seuils d’évaluation et la terminologie utilisée dans la détermination de la qualité de l’air. Les instances gouvernementales doivent optimiser les efforts de communication quant aux risques liés à la qualité de l’air afin de mieux informer le grand public, et davantage de mesures préventives doivent être préconisées. Nous sommes d’avis que nous gagnerons tous et toutes à être mieux informés de ce que nous respirons tous les jours. Assurons un air sain pour l’ensemble du Québec.

* Cosignataires : Ève Riopel, médecin participante à l’AQME ; Johanne Elsener, MV MSc, participante à l'AQME (Ph. D.) ; Patricia Clermont, coordonnatrice de l’AQME (Ph. D.)

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