Avec chaque année qui passe, la pénurie enseignante s’empire. On parle alors de la nécessité de revaloriser la profession, mais on discute peu des façons dont on peut réellement y arriver, car l’argent seul ne suffira pas.

Accepteriez-vous d’être reçu au triage de l’urgence par une « infirmière non légalement qualifiée » ? Oseriez-vous traverser un pont conçu par un « ingénieur non légalement qualifié » ?

Alors pourquoi diable continuons-nous à tolérer le terme « enseignant non légalement qualifié » ? Soit vous êtes un enseignant remplissant toutes les exigences nécessaires (test de français, brevet, etc.), soit vous ne l’êtes pas. Cette demi-mesure n’existe dans aucune autre profession.

Où est passée notre fierté d’être enseignant ? Comment avons-nous laissé la situation se dégrader au point qu’on accepte d’avoir « un adulte » dans la classe ? Qu’attendons-nous pour reprendre notre profession en main ?

Pourra-t-on compter sur le gouvernement pour revaloriser la profession ? J’en doute.

Les fédérations syndicales travaillent heureusement à nous valoriser via les conditions de travail. Cependant, elles sont en quelque sorte coincées, car toute personne acceptant un contrat devient un membre cotisant, donc représenté par le syndicat. Est-ce normal qu’un enseignant en début de carrière se retrouve avec les mêmes conditions de travail qu’un suppléant n’ayant aucune formation ? Suis-je le seul à y voir une injustice ? Les fédérations syndicales seraient-elles prêtes à négocier des conventions collectives différentes pour les enseignants et les suppléants ?

Un changement de mentalité s’impose

On dénonce depuis longtemps le nivellement par le bas des exigences envers les élèves, mais le nivellement par le bas de notre profession passe sous silence.

Les pays où les enseignants ne sont pas denrée rare sont ceux qui ont su élever l’éducation au-dessus des autres sphères de leur société (Japon, Singapour, Brésil, Finlande, etc.). Là-bas, un futur étudiant universitaire espèrera généralement être accepté en éducation et se rabattra sur le droit ou le génie s’il est refusé. Dans ces pays, le métier d’enseignant est valorisé et respecté, car il n’y a que l’élite qui y a accès. Au Québec, l’enseignement est souvent perçu comme un plan B.

Un changement de mentalité doit s’effectuer. Si nous souhaitons stopper l’hémorragie de jeunes enseignants qui quittent la profession en début de carrière, il faudra s’attaquer à ce problème avant même l’entrée à l’université.

Nous devons exiger un rehaussement des critères d’admission dans les programmes de formation enseignante. Étudier en éducation devrait être vu comme un prestige.

Lorsque la population constatera que seule l’élite académique a le privilège de devenir enseignant, peut-être saura-t-elle mieux reconnaître notre mérite et notre expertise.

Ordre professionnel

Refusons en bloc cette notion loufoque « d’enseignant non légalement qualifié ». Reprenons notre profession en main en nous dotant d’un ordre professionnel qui assurera non seulement la protection du public, mais aussi la qualité de la formation initiale et continue, présentement sous l’égide de certains idéologues. Aucune autre profession dotée d’un ordre, même celles exigeant une formation de niveau collégial, n’accepterait l’idée ridicule d’être « non légalement qualifié ». Pourquoi les enseignants continuent-ils de le faire ?

Exigeons l’excellence de nous-mêmes, et ce, dans toutes les facettes de notre profession. Prenons-nous en main dès maintenant. Nous pourrons ainsi faire taire nos détracteurs qui prétendent que n’importe qui peut enseigner.

Personne d’autre ne revalorisera l’enseignement à notre place. Si nous persistons à espérer qu’une quelconque entité externe vienne redorer l’image de notre profession, nous sommes voués à l’échec et nous n’aurons que nous-mêmes à blâmer.

Je suis prêt à revaloriser l’enseignement. L’êtes-vous ?

*Auteur du livre L’éducation au Québec en ce 21e siècle ; réflexions, discussions, propositions (à paraître)

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