Le logement, l’itinérance et l’adaptation aux changements climatiques : les trois priorités du ministre des Finances

Le gouvernement Legault juge en avoir fait assez pour aider les Québécois à faire face à la hausse du coût de la vie. Le ministre des Finances, Eric Girard, prévient qu’il n’y aura pas d’autre chèque ni de nouveaux allégements fiscaux dans sa mise à jour économique de l’automne. Des « mesures ciblées » pour le logement, l’itinérance et l’adaptation aux changements climatiques sont dans ses cartons.

Dans une entrevue accordée à La Presse mardi, le ministre a plaidé que le moment était venu de « synchroniser la politique fiscale du gouvernement avec la politique monétaire [de la Banque du Canada] pour ramener l’inflation à 2 % tel que prévu ».

« On ne peut pas faire l’inverse de ce que la Banque du Canada fait » et verser de nouveaux chèques aux citoyens, une mesure qui serait susceptible d’augmenter encore davantage l’inflation, a-t-il expliqué au moment où les partis de l’opposition font pression pour qu’il ouvre ses goussets.

L’inflation a commencé à baisser, nos mesures sont déjà en place et ont un effet présentement. Il n’y aura pas de gestes supplémentaires au niveau du fardeau fiscal.

Eric Girard, ministre des Finances du Québec

Du reste, « nous sommes le gouvernement, ou certainement l’un des gouvernements, qui en a fait le plus » pour réduire ce fardeau et aider les citoyens à faire face à la hausse du coût de la vie, a soutenu le ministre.

Il y a eu une baisse d’impôt – en vigueur depuis juillet –, la distribution de chèques de 500 $ puis de 400 $ à 600 $ en 2022 et une augmentation jusqu’à 2000 $ d’un crédit d’impôt pour les aînés.

Des critiques se sont fait entendre au printemps au sujet de la baisse d’impôt, une mesure contre-productive aux yeux de certains au moment où la Banque du Canada tente de juguler l’inflation. Le ministre réplique en disant que seulement 0,1 % de l’inflation est attribuable aux mesures de son gouvernement. Et la réduction du fardeau fiscal était une promesse électorale, a-t-il pris soin de rappeler. Mais le gouvernement n’ira pas plus loin.

« Besoins très importants » en logement

Sa mise à jour économique attendue à l’automne sera ainsi « plus conventionnelle », avec quelques « mesures très ciblées ».

« Les décisions ne sont pas prises » encore, mais il cible lui-même « trois dossiers d’actualité » qui lui paraissent incontournables. Et il le fait à quelques jours de la réunion du caucus de la Coalition avenir Québec pour préparer la rentrée de l’Assemblée nationale de la semaine prochaine.

Le ministre fait miroiter des fonds supplémentaires pour construire des logements sociaux et abordables. « C’est un des gestes où l’on pourrait intervenir à la mise à jour étant donné qu’il y a des besoins très importants », a-t-il indiqué.

Le gouvernement y a investi 3,8 milliards de dollars depuis 2018, mais il doit faire plus, selon lui. « On a financé avec ça 22 500 logements : il y en a 6500 qui sont réalisés, il y en a 7000 en réalisation et 9000 en élaboration », a-t-il affirmé.

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Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard

Pour équilibrer le marché d’ici 2030, lorsqu’on fait une prévision de ce que le privé va construire et des besoins, ça en prend 26 000 de plus [des logements sociaux et abordables]. Donc on va continuer de faire des gestes.

Eric Girard, ministre des Finances du Québec

Québec aura bientôt un coup de pouce d’Ottawa. Un nouveau fonds fédéral annoncé en 2022 vient de voir le jour et une entente pour que le Québec touche sa part – environ 900 millions – sera signée prochainement.

Eric Girard a également évoqué l’adoption prochaine d’« allégements réglementaires » pour accélérer la construction de logements.

Plus pour l’itinérance

Le ministre des Finances entend répondre à l’appel des élus municipaux pour des investissements supplémentaires dans la lutte contre l’itinérance. Il se dit sensible aux témoignages sur la hausse du nombre de sans-abri, un phénomène qu’il constate lui-même en se rendant à ses bureaux du centre-ville.

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Le ministre des Finances entend répondre à l’appel des élus municipaux pour des investissements supplémentaires dans la lutte contre l’itinérance

Dans la mise à jour économique, il y aurait ainsi des « ajustements » au plan d’action annoncé par son collègue Lionel Carmant en 2021. On y prévoyait 280 millions de dollars en cinq ans.

Au niveau de l’itinérance, il y a eu un changement structurel : les opioïdes. Ça magane le monde encore plus.

Eric Girard, ministre des Finances du Québec

« Je suis allé à Seattle et à Portland cet été. Ces villes-là sont dix ans en avance sur Montréal et ce qu’on voit, c’est majeur. Ce qu’on voit, c’est l’arrivée des opioïdes, le fentanyl et l’OxyContin, qui s’ajoutent à une situation de santé mentale qui était déjà précaire et rend la situation encore pire. »

L’Union des municipalités tiendra un sommet sur l’itinérance le 15 septembre. Son porte-parole dans ce dossier, le maire de Québec, Bruno Marchand, a mené récemment une charge contre le gouvernement en l’accusant d’immobilisme. « Le maire Marchand… en passant, je l’adore, je cours avec lui des fois, il court vite et il est sympathique, mais quand il dit que le gouvernement ne fait rien, je ne suis pas d’accord. Mais on peut faire plus », a indiqué Eric Girard.

Changements climatiques

Si ce n’est pas dans la mise à jour économique, ce sera au budget, mais « il va y avoir plus d’argent pour l’adaptation aux changements climatiques ». « On ne peut pas passer à côté », a-t-il reconnu, alors que de nombreux évènements climatiques extrêmes sont survenus cette année.

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Le ministre des Finances du Québec, Eric Girard

Il entend également « ajouter des sommes » au Plan pour une économie verte dans son prochain budget.

Le ministre estime que l’écofiscalité « a le potentiel de modifier les comportements » de la population. « Mais pour l’instant, on n’a pas vu de propositions convaincantes », susceptibles de pousser le gouvernement à en adopter, a-t-il dit.

Le ministre a signalé que sa « ligne directrice » était de « réduire le fardeau fiscal dans son ensemble ». Il a tout au plus donné à titre d’exemple une façon de faire possible : « On pourrait, par exemple, augmenter les subventions sur les plus petites voitures et taxer les plus grosses voitures. » « On est dans les prix relatifs. On ne parle pas d’augmenter » le fardeau dans son ensemble, a-t-il noté.

Le ministre est réfractaire à l’adoption d’une taxe kilométrique pour financer l’entretien des routes et le transport collectif. « Ça nécessite de suivre les gens dans leur kilométrage. Ce n’est pas particulièrement populaire, un gouvernement qui suit les citoyens. »

Une taxe sur la masse salariale des entreprises, alors ? Lors d’une mission en France plus tôt cette année, sa collègue des Transports, Geneviève Guilbault, a paru enchantée par cette mesure en vigueur là-bas. « Moi, je n’étais pas enchanté ! », a répondu M. Girard du tac au tac. « On a les taxes sur la masse salariale les plus élevées au Canada. Il n’est pas question d’utiliser [cette mesure]. »

Le grand argentier du gouvernement a signalé que le risque d’une récession, qu’il chiffrait à 50 % il n’y a pas si longtemps, diminue.

L’année devrait se terminer avec une croissance économique de 0,6 % comme il le prévoyait dans son budget en mars.

Pour 2023, la probabilité d’une récession est « d’un peu moins de 50 % ».