Pour montrer qu’il vient d’un milieu modeste, le premier ministre François Legault a rappelé, en fin de semaine, que le budget familial était administré par sa mère à l’aide d’enveloppes pour l’hypothèque, l’épicerie, etc. Maman Legault a eu une grande influence sur son fils, puisque lui aussi fonctionne avec des enveloppes.

Bien sûr, aujourd’hui, les enveloppes ne contiennent plus d’argent comptant, mais des chèques. Le long message du premier ministre sur Facebook contient donc une énumération minutieuse de tous les chèques que le gouvernement Legault a fait parvenir aux citoyens.

Dès les élections, 200 $ aux personnes âgées, puis 120 $ aux parents pour la rentrée scolaire. Et 500 $ à presque tout le monde pour contrer l’inflation, puis un autre chèque de 600 $ pour les moins bien nantis et 400 $ pour les autres, et 2000 $ pour les aînés « les moins riches ».

M. Legault a continué en énumérant toutes les baisses d’impôt et réduction de tarifs consenties depuis qu’il est au gouvernement. Ce qui n’était peut-être pas la chose à faire dans les circonstances.

D’abord parce que plusieurs économistes estiment que le fait d’envoyer un chèque de 500 $ à tout le monde a un effet inflationniste plutôt que de contrer l’inflation puisque cela va encourager la consommation et donc encore plus d’inflation. Quand on reçoit une somme d’argent imprévue, on a souvent tendance à la dépenser rapidement.

Mais aussi parce qu’envoyer des chèques de façon ponctuelle n’a pas un effet structurant comme des baisses récurrentes d’impôt ciblées ou une augmentation de certaines prestations gouvernementales. De même, une baisse d’impôt de 1 % pour l’ensemble des citoyens aura, nécessairement, beaucoup plus d’effet pour les mieux nantis.

Cela étant dit, ce qui ressortait surtout du long message du premier ministre sur Facebook : « Regardez tout l’argent que votre bon gouvernement de la CAQ a mis dans vos petites enveloppes. » Une gestion qui ressemble plus à « un problème, un chèque » qu’à une vision à long terme, mais c’est le choix du gouvernement.

Sauf qu’on peut se demander si une telle énumération va donner l’image d’un chef de gouvernement en contrôle et qui se prépare à guider les Québécois vers des lendemains plus heureux, après l’actuelle situation économique difficile.

En fait, en lisant le texte de M. Legault, quelqu’un qui débarquerait au Québec après une longue absence serait en droit de penser que les choses vont très mal et que le gouvernement est constamment sur la défensive.

Sauf que la réalité est tout autre. Les intentions de vote pour la CAQ sont au beau fixe, la satisfaction envers le gouvernement demeure élevée et le premier ministre lui-même est, et de loin, le favori parmi les chefs de parti.

La CAQ subira son premier test électoral au début d’octobre lors de l’élection partielle dans la circonscription de Jean-Talon. Normalement, ce pourrait être un test difficile avec une députée caquiste qui a fait un pied de nez à ses électeurs et a quitté le navire moins d’un an après les dernières élections. L’abandon du projet de troisième lien pourrait aussi avoir déçu des électeurs de la CAQ.

Mais, quand on regarde l’allure de la campagne, on voit tout autre chose. Même si les choses peuvent changer, rien n’indique actuellement que la circonscription pourrait passer dans l’opposition.

En fait, tout dans l’attitude des partis de l’opposition indique que, pour eux, il s’agit surtout d’une course pour la deuxième position. Mais leurs stratégies sont plutôt difficiles à suivre.

Ainsi, le Parti québécois a choisi un candidat qui avait flirté sérieusement avec une candidature pour la CAQ il y a quelques mois. Qui plus est, ce candidat fait aujourd’hui toutes sortes d’allégations – qu’il ne peut prouver, évidemment – sur le fait que l’entourage du premier ministre lui aurait confié il y a plusieurs mois qu’on abandonnerait le troisième lien. Une controverse qui ne fait que rappeler aux électeurs que son allégeance péquiste n’a pas toujours été très solide.

Fort de sondages qui le placent au deuxième rang dans les intentions de vote, le PQ a fait monter les enchères depuis le début de la campagne, ce qui fait que, si cette deuxième place lui échappe, ce sera plutôt la déception.

À Québec solidaire, qui a terminé au deuxième rang lors des élections de l’an dernier, le meilleur scénario serait de répéter ce résultat. Mais le parti semble faire du sur-place depuis plusieurs mois et le ton de plus en plus strident du chef n’est pas bon signe.

Quant au Parti libéral, avec 5 % des voix chez les francophones, la partielle de Jean-Talon ressemble à un scénario de Mission : impossible, même s’il s’agit d’un siège traditionnellement libéral.

Bref, moins d’un an après les dernières élections, le premier ministre et son parti sont loin d’être dans une mauvaise passe. Et si les critiques de l’opposition l’embêtent à ce point, il va trouver que les prochains mois vont être bien longs.