À la recherche de félicité, combien de fois dans ma vie j’ai espéré développer de l’intérêt pour une activité qui me mettrait en symbiose avec la nature, qui me calmerait les nerfs. Comme l’ornithologie ou la mycologie, par exemple.

J’aurais pu ainsi me passionner pour les Geais Bleus de Toronto, ou devenir franchisé d’une boutique FunGuyz et (ou) vendre illégalement des champignons magiques.

Dans cette recherche d’apaisement, je me suis même déjà inscrit à un cours de cuisine, mais mon incapacité à réussir une sauce béchamel m’a mis à plat.

J’ai aussi lu Krishnamurti. Mais je n’ai jamais été capable d’appliquer sa théorie de distanciation avec les évènements. Au contraire, j’ai surtout eu toujours tendance à sauter dans le tas.

Bref, je n’ai jamais réussi à prendre mon pied grâce au bucolique, ou au plus ou moins transcendantal.

Ainsi, j’avais fondé beaucoup d’espoir sur ma tournée vernaculaire en VR (véhicule récréatif).

Pour me mettre dans l’ambiance, j’ai réécouté la très belle chanson de Pierre Flynn : Sur la route.

« Je serai Brando toi Marilyn…. Sur la route, rouler dans la nuit nicotine, pas besoin de grand-chose… »

Je la sentais celle-là !

Tellement que comme un néophyte compulsif, j’ai réussi à acheter pour 1000 balles de gugusses du parfait explorateur avant de partir. Un vrai fou. Mais l’artillerie que je possédais pour liquider le premier moucheron qui se présente, j’vous dis pas !

L’atmosphère de départ a toutefois été un peu difficile, la personne (la Personne) qui m’accompagnait me laissant le sentiment que j’étais atteint de problèmes cognitifs légers.

Tout d’abord, elle m’a refusé le droit de conduire la bête de 24 pieds, le VR, sous prétexte que j’étais déjà dangereux avec deux bras, alors imaginez avec un seul ! Pour rappel, j’en avais un dans le plâtre.

Elle n’a même pas bronché lorsque je lui ai rappelé que j’avais fréquenté, et en étais sorti diplômé, de l’École de conduite Jim Russel de Mont-Tremblant, voitures de courses, formules 1600 et 2000.

Insolente, elle a questionné la valeur du diplôme et ajouté qu’elle n’aurait pas voulu connaître ma performance au volant avant cette promotion.

Petitesses tellement inutiles !

De plus, elle m’a empêché de toucher à un quelconque bouton, convaincue que j’étais capable de tout faire sauter, même si les lois de la chimie rendaient cette hypothèse quasiment impossible.

Quasi… qu’elle m’a remâché, louant mon talent pour l’innovation.

Comme je n’ai plus de personnalité depuis ma retraite, et que je suis devenu un être d’amour, j’ai ignoré ces avanies, sourd comme une bécassine. Krishnamurti aurait été fier de moi.

Première station de la virée : sur le bord de la rivière Nicolet. Et là, la climatisation de la charrette toussote, et meurt à répétition.

Misère !

Bon, on se calme, on se dépose et on respire profondément…

Et on procrastine, il fait frais et on verra plus tard, la canicule au Québec étant un phénomène insolite.

Autrement, j’avais du temps pour observer et remarquer qu’il y avait deux sortes de caravaniers : le sédentaire et l’itinérant.

Le sédentaire se distingue par la même place qu’il occupe depuis des années, le plus près possible d’un couvert végétal. Il y paye son loyer saisonnier, qu’il souhaite voir augmenter à l’inflation, sans avoir droit à l’arbitrage du Tribunal administratif du logement, ce qui laisse place à tous les abus des propriétaires, comme une éviction sauvage pour y installer un beau-frère.

Facile à identifer, il a aménagé le pourtour de sa caravane de façon à se sentir chez lui, incluant les lumières de Noël, pour devenir, je suppose, un phare dans la nuit.

Il est reconnaissable à son teint brun qui s’est laissé bercer patiemment par le soleil, et de nature plutôt zen.

L’itinérant, lui, a toujours l’air agité, l’air de celui qui ne veut rien manquer pendant ses deux semaines de vacances annuelles, ou du rare beau week-end de l’été.

Avec les membres de sa tribu, il est généralement installé en plein soleil, sans arbre qui vive, ensemble comme un rack de côtes levées sous broil dans un four. Mais cela ne semble pas le déranger, se disant probablement que s’étant tellement fait chier avec l’hiver, il ne ferait pas l’économie de quelques rayons UV supplémentaires. Il a d’habitude la peau rouge écarlate, couleur évidemment temporaire.

L’itinérant traîne aussi plus de progéniture à sa suite que le résident, ce dernier possédant visiblement un compte REER plus épais.

Et sachez que vous n’êtes pas respectés dans cette communauté permanente si vous ne possédez pas la babiole ultime : le kart de golf, pour la balade, sans objectif d’oiselet. Le plein air, c’est la santé ! Au moins, ils sont électriques et pourraient sauver la planète.

N’en déplaise à Québec solidaire, la caravane à la mode est dite « cinquième roue », Fifth Wheel, qui, une fois « dépinée », laisse disponible le camion F-150 pour rouler allègrement et supplanter les bienfaits du kart de golf dans le prochain rapport du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat).

Déception, je n’ai vu personne s’adonner au célèbre jeu de fers à cheval. À l’ère du techno, je présume que là aussi, on y joue maintenant sur son cell…

Tout allait bien dans cette tournée du Québec : Notre-Dame-du-Bon-Conseil, Lac-Mégantic, Oka, mais à mi-chemin, la température a atteint 30 degrés et plus au Saguenay. Lac Kénogami comme au Sahara.

Nous avions tenté de l’ignorer, mais la clim a rendu l’âme et le séjour est devenu immédiatement un calvaire.

Ayant les mèches courtes, et maudissant le dieu de la réfrigération, nous n’avons fait ni un ni deux et plié bagage, direction le Yukon !

Tragique tout ça, parce que le périple aurait pu devenir une reviviscence, mais au contraire, il m’a surtout rappelé que le camping sauvage n’est vraiment pas fait pour moi.

Poule de luxe un jour, poule de luxe toujours !

Entre nous

Bien qu’elle ne voulait pas me voir toucher à quoi que ce soit, la Personne a tenté de m’obliger à une tâche de merde, la vidange, que je devais accomplir seul, elle s’en lavait les mains. Hardi, j’ai régimbé. Ce sera à deux ou pas pantoute ! Le courage, ça ressemble à ça, les amis, et c’est ainsi que les peuples se libèrent !