Les pros de la réno vous le diront : si votre toit coule, mieux vaut le réparer plutôt que d’en bricoler un autre à la hâte par-dessus.

Santé Canada devrait en prendre note dans le dossier de la réglementation des pesticides.

Au lieu de faire le ménage dans son comité-conseil miné par les conflits d’intérêts, le ministère fédéral a en effet décidé l’an dernier d’en créer un autre à côté.

Résultat : le coprésident du nouveau comité, le docteur Bruce Lanphear, vient de claquer la porte en disant ne pas avoir confiance en la capacité de Santé Canada d’assurer la sécurité des Canadiens en ce qui a trait aux pesticides1.

Et l’ancien comité, lui, est rongé par les mêmes problèmes de crédibilité qu’avant.

Ce n’est rien pour rassurer les Canadiens. Un ménage s’impose au sein de l’Agence réglementaire de la lutte antiparasitaire (ARLA), la division de Santé Canada qui s’occupe des pesticides.

La création du comité scientifique indépendant dont le DLanphear vient de démissionner découle d’un scandale qui a considérablement affecté la crédibilité de l’ARLA.

En 2021, l’Agence a proposé de hausser la limite sur les résidus de glyphosate pouvant être présents dans les aliments. Le glyphosate est l’herbicide le plus utilisé au monde, et ses effets cancérigènes font l’objet d’un important débat scientifique.

La question était donc délicate… et a été gérée de façon catastrophique par Santé Canada. Le ministère fédéral n’a jamais pu expliquer clairement la nature des changements proposés ni les raisons qui les justifiaient. À l’époque, La Presse avait fini par apprendre que c’est Bayer, la multinationale qui commercialise le glyphosate, qui avait demandé de hausser les seuils2.

Sous pression politique, le gouvernement Trudeau avait alors annulé la hausse et annoncé plusieurs changements au sein de l’ARLA. La loi sur les pesticides a été révisée. Le budget de l’agence a été augmenté. On a annoncé vouloir privilégier les données indépendantes par rapport à celles fournies par les fabricants de pesticides.

Le gouvernement a aussi créé le nouveau comité scientifique indépendant à ce moment.

Ce sont des pas dans la bonne direction que nous avions alors salués3.

Ce qu’on constate toutefois aujourd’hui, c’est qu’alors que le nouveau comité d’experts fournit des conseils indépendants au Ministère, le comité qui était déjà en place, lui, continue de souffler directement dans l’oreille du ministre de la Santé.

Or, dans ce dernier cas, les conseils prodigués ne sont pas toujours désintéressés.

Au sein de ce comité, on compte en effet des experts reconnus et des spécialistes de santé publique, mais aussi des représentants de l’industrie. Le PDG de CropLife Canada, l’association regroupant les fabricants et les vendeurs de pesticides, y siège notamment.

Le conflit d’intérêts est aussi flagrant que grossier. Et il est de nature à miner la confiance des Canadiens.

La preuve : le 20 juin dernier, l’ARLA a décidé d’autoriser à nouveau des hausses de résidus de pesticides dans les aliments (sauf pour le glyphosate). Et on se demande encore si cela est motivé par la science ou par les pressions de l’industrie.

Santé Canada défend son comité-conseil en disant qu’il réunit les « personnes dont les intérêts et les préoccupations sont touchés » par la réglementation sur les pesticides. Or, le seul intérêt que devrait défendre Santé Canada sur ces questions, c’est la santé des Canadiens.

Ça ne veut pas dire de ne pas parler aux industriels. Mais que ceux-ci aient l’oreille du ministre au sein d’un comité permanent va clairement trop loin.

C’est d’autant plus vrai qu’un exercice comme fixer les limites de pesticides permises dans les aliments n’est pas censé être un numéro d’équilibriste entre divers intérêts, mais bien une pure question scientifique.

Il s’agit d’évaluer objectivement, avec les meilleures données disponibles, quel seuil est sûr pour la population.

Tout ce qu’on demande à Santé Canada est de se fier à de la science indépendante, dans le cadre d’une démarche transparente, pour prendre les meilleures décisions en regard de la santé des Canadiens.

Dans le cas de l’Agence réglementaire de la lutte antiparasitaire, cela devrait commencer par un bon comité-conseil indépendant plutôt que deux qui se disputent l’influence du gouvernement.

1. Lisez « Un conseiller scientifique sur les pesticides claque la porte » 2. Lisez « Glyphosate : à n’y rien comprendre » 3. Lisez « Coup de barre à Pesticides Canada » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion