Augmentation du taux des droits de mutation immobilière (« taxe de bienvenue »), ajout de redevances sur la construction de nouveaux logements… On dirait parfois que les villes confondent les maisons avec des cigarettes.

Pourtant, l’habitation n’est pas un produit nocif qu’on doit décourager à grand coup de taxes. Au contraire, il faut favoriser la construction. Si l’immobilier est en crise, c’est parce qu’il manque cruellement de logements.

Ça ne sera pas de la tarte avec le 1er juillet qui approche.

Le marché locatif n’a jamais été aussi serré en 20 ans, au Québec. Avec un taux d’inoccupation qui devrait fondre à 1,2 % en 2023, on est loin d’un taux d’équilibre de 3 à 4 %. La SCHL prédit que cette rareté fera bondir les loyers de 30 % d’ici trois ans.

Très dur à avaler pour les ménages qui ont déjà du mal à arriver.

Pendant ce temps, le marché de la revente n’a jamais été aussi inabordable en une génération. Oui, le prix des maisons a légèrement baissé, mais la hausse des taux d’intérêt a fait grimper les paiements au plafond. En deux ans, la mensualité moyenne a presque doublé, de 1350 $ à 2500 $, selon Desjardins1.

Une hausse de plus de 1000 $ par mois, ça crève un budget.

Dans le Grand Montréal, près d’un ménage sur cinq n’arrive plus à combler ses besoins de base, comme se loger, se vêtir ou se déplacer, nous apprenait Centraide, au début de la semaine. Ça fait 360 000 familles qui tirent le diable par la queue.

Mais ne vous en faites pas avec le 1er juillet : « Ça va bien aller », a lancé le premier ministre François Legault, au Salon bleu.

Ce n’est pas sa première déclaration jovialiste à propos de l’habitation. Il y a deux ans, souvenez-vous comment il s’était empêtré en disant qu’on pouvait louer un appartement à 500 ou 600 $ à Montréal.

Souvenez-vous aussi que la Coalition avenir Québec (CAQ) a viré Valérie Plante comme une crêpe quand elle a souligné que le dernier budget provincial prévoyait trop peu d’argent pour le logement abordable.

La mairesse de Montréal a raison : il faut construire plus de logements abordables. Mais pas que ça. Le logement subventionné ne représente que 5 % du parc de logements. Il faut voir beaucoup plus large si on veut régler la crise de l’habitation qui touche aussi la classe moyenne.

C’est là que ça se gâte.

Dernièrement, une vingtaine de villes comme Brossard, Terrebonne, Mascouche ou Trois-Rivières ont instauré des redevances que les constructeurs doivent verser pour les nouveaux bâtiments.

Québec leur a donné le droit d’agir ainsi en 2016 afin de diversifier leurs revenus qui reposent en grande partie sur les impôts fonciers. Les villes se justifient en disant que la redevance couvre le prix des services (ex. : aqueducs, égouts) à développer pour accueillir de nouveaux résidants.

Mais dans la pratique, il n’y a pas nécessairement de lien entre le coût de développement de ces services et la redevance qui oscille entre 4000 $ et 6000 $ par porte, mais grimpe parfois beaucoup plus haut.

Tout cet argent est bien alléchant pour les villes qui auront la tentation d’augmenter sans cesse les redevances afin de satisfaire leur appétit de nouveaux revenus. Il n’y a qu’à voir à Toronto, où ces redevances peuvent atteindre 9700 $ pour une seule maison.

Selon l’Institut C.D. Howe, ces redevances qui sont refilées aux acheteurs expliquent en bonne partie les prix excessifs qu’on observe à Toronto ou à Vancouver, un phénomène qu’on ne veut surtout pas importer chez nous2.

Mais la réglementation excessive est aussi en cause. Un triste exemple : l’ancien hippodrome Blue Bonnets, un terrain en plein cœur de Montréal où on pourrait ériger 6000 unités. Or, la Ville a mis la barre tellement haut pour les promoteurs qu’un premier appel d’offres n’a pas suscité la moindre soumission de la part du privé.

Pendant ce temps-là, les mises en chantier sont en forte baisse au Québec (- 23 % prévu en 2023), alors qu’il faudrait augmenter la cadence considérablement. Pour équilibrer le marché, il faudrait bâtir plus de 100 000 logements par année, pendant 10 ans, selon la SCHL, alors qu’on finira 2023 autour de 44 000.

On s’en va dans le mur. Vivement un plan d’action ! Ça tombe bien, la ministre de l’Habitation France-Élaine Duranceau doit y voir très bientôt.

Du côté des logements existants, il faut assouplir les règles qui découragent les propriétaires d’investir dans leur immeuble, tout en serrant la vis à ceux qui jettent leur locataire à la porte avec des rénovictions. Tout est une question d’équilibre.

Du côté de la construction, on devrait commencer par retirer les freins que sont les redevances. Et si on veut vraiment peser sur l’accélérateur, pourquoi ne pas fixer des objectifs minimums de construction de logements par ville ?

Si chacun continue à dire « pas dans ma cour », la crise de l’habitation ne fera que s’accentuer.

1. Consultez l’analyse « Québec : la chute du secteur résidentiel se poursuivra en 2023 » 2. Consultez l’étude « Buyers Beware » de l’Institut C.D. Howe (en anglais) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion