Depuis une semaine, François Legault se comporte sur Twitter comme un pyromane avec des allumettes dans ses poches. Avec deux gazouillis clivants, l’un sur la santé et l’autre sur la laïcité, il joue un jeu dangereux avec des questions hautement inflammables.

Les plus indulgents y verront de simples maladresses à répétition de la part d’un premier ministre parfois un peu trop prompt. Après tout, on aime les politiciens spontanés qui n’ont pas peur de laisser la « cassette » de côté.

Mais les plus critiques diront que la Coalition avenir Québec (CAQ) divise la population, afin de consolider sa base électorale sensible au thème identitaire, exactement comme elle l’avait fait durant la campagne électorale avec ses déclarations malheureuses sur les immigrants.

Récapitulons.

Le 3 avril, François Legault s’est attaqué à la présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), Julie Bouchard, en retwittant la chronique de Patrick Lagacé « Chialer pour chialer »1.

On peut certainement critiquer l’attitude butée du syndicat. Mais en se positionnant de façon aussi marquée, le premier ministre envoie le signal que le gouvernement déterre la hache de guerre.

Ça n’aide pas le ministre de la Santé Christian Dubé qui s’évertue à obtenir la collaboration des travailleurs de la santé pour mener à bien son essentielle « refondation » du réseau.

Ça n’aide pas non plus la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, à tempérer le climat des négociations en vue du renouvellement de la convention collective des infirmières qui est arrivée à échéance le 31 mars.

Bref, ça divise au lieu de rassembler. Idem avec la laïcité…

Dès 6 h 27, en ce lundi de Pâques marqué par les pannes d’électricité, François Legault a cru bon de gazouiller un éloge du catholicisme qui a « engendré chez nous une culture de la solidarité qui nous distingue à l’échelle continentale ».

Une phrase tirée d’une chronique de Mathieu Bock-Côté dans le Journal de Montréal. Accompagnée de l’image d’un chapelet posée sur une bible ouverte. Amen.

On comprend tous que le catholicisme fait partie du patrimoine culturel du Québec, qu’il est indissociable de son histoire. L’idée n’est pas de renier le passé. Sauf qu’aujourd’hui, l’État est laïque. C’est d’ailleurs le premier article de la loi (21) adoptée par la CAQ. Comme chef de l’État québécois, François Legault doit incarner cette laïcité dans son discours.

Alors il y a quelque chose de hautement incohérent à voir le premier ministre interdire les lieux de recueillement dans les écoles, plaidant la laïcité, pour ensuite faire l’éloge des racines catholiques du Québec, quelques jours plus tard.

En faisant l’éloge du catholicisme par rapport aux autres religions pratiquées par les Québécois, la CAQ pratique une laïcité à deux vitesses. Une laïcité empreinte de nostalgie pour la religion catholique. Une laïcité peu accommodante pour les autres religions, notamment dans les écoles où les enseignants ne peuvent porter de symboles religieux.

En fait, c’est une laïcité asymétrique, comme en fait foi l’épisode du crucifix que la CAQ a longtemps refusé de retirer du Salon bleu.

Quel besoin avait donc le premier ministre de remettre ce sujet diviseur au programme en pleine fin de semaine pascale ?

Ses interventions entourant la panne d’électricité l’avaient montré sous son meilleur jour, en homme d’action, authentique et près de son monde. Comme durant la pandémie, alors qu’il marchait littéralement sur l’eau, pour reprendre une figure de style biblique.

Voilà le François Legault qui marque des points. Le chef rassembleur. Pas celui qui divise.

Au lieu de brouiller les Québécois en chantant les louanges de la solidarité « catholique », François Legault devrait plutôt prêcher par l’exemple en rassemblant ses ouailles.

1 Lisez la chronique : « Chialer pour chialer » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion