Pas de grille-pain, pas de cafetière, pas de possibilité de recharger son téléphone, avec l’école fermée et la maison qui se refroidit en plus : plus d’un million d’abonnés d’Hydro-Québec se sont réveillés sans électricité, jeudi.

À l’heure où vous lisez ces lignes, plusieurs d’entre eux sont encore sans courant. Avec, en tête, une question : quels seront les impacts de telles pannes lorsqu’on aura tout électrifié ? Lorsque nos voitures, nos systèmes de chauffage, nos usines seront encore plus dépendants du réseau d’Hydro-Québec ?

La question est d’autant plus inquiétante que les évènements météorologiques extrêmes susceptibles de perturber la distribution d’électricité sont appelés à augmenter avec les changements climatiques.

Faut-il pour autant remettre en question la transition énergétique ? Bien sûr que non. Celle-ci est nécessaire en raison de la crise climatique, sans compter que réduire notre dépendance au pétrole diminuera les fuites de capitaux hors du Québec.

Mais les pannes que nous vivons actuellement sont néanmoins un signal d’alarme qui montre qu’il faut mieux se préparer à cette transition.

Nous voyons trois façons de le faire.

1) Consolider le réseau d’Hydro-Québec.

2) Inciter les municipalités à déployer des plans d’urgence en cas de pannes.

3) Accélérer les mesures d’efficacité énergétique.

Il y a des évènements contre lesquels même le réseau le plus solide ne peut résister. Selon Hydro-Québec, c’est le cas du verglas tombé mercredi.

Il reste qu’on sait que le réseau d’Hydro-Québec est beaucoup trop fragile. La vérificatrice générale nous avait prévenus en décembre dernier. Mais il n’y a rien comme chercher une boîte de chandelles à tâtons dans une maison plongée dans le noir pour réaliser ce que peuvent en être les impacts…

La vérificatrice a constaté une « baisse marquée de la fiabilité du service »1. Entre 2012 et 2021, le nombre de pannes a bondi de 16 % au Québec. Leur durée a aussi augmenté.

En 2020, Hydro-Québec a déployé un plan destiné à revamper ses infrastructures. Les coûts, d’abord estimés à 800 millions, ont été révisés à 1,3 milliard. Sauf qu’il se déploie trop lentement. En 2021, moins de 60 % des heures planifiées pour le mettre en œuvre ont vraiment été effectuées, selon la vérificatrice.

Comme pour le réseau routier, il est tentant pour les autorités d’annoncer de nouveaux ouvrages électriques plutôt que d’entretenir ceux qui existent déjà. À ce sujet, il était rassurant d’entendre vendredi le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon.

« On ne peut pas juste faire de la nouvelle énergie sans investir massivement dans le maintien du réseau. La maintenance d’infrastructures est aussi stratégique que les nouvelles œuvres », a dit le ministre en point de presse.

Oui, le maintien et la solidification du réseau électrique coûteront cher. Mais comme l’écrivait la vérificatrice générale, « une intervention qui permet de prévenir une panne est généralement moins coûteuse qu’une intervention corrective réalisée pendant ou après une panne ».

À certains endroits, il faudra par exemple voir si l’enfouissement des lignes électriques, bien que très coûteux, pourrait à long terme s’avérer rentable.

Hydro-Québec a publié son premier plan d’adaptation aux changements climatiques l’automne dernier, mais il reste qu’elle a encore beaucoup de travail devant elle. Sa présidente, Sophie Brochu, a toutefois souligné avec justesse vendredi que la société d’État ne peut à elle seule assurer la résilience de toute la société aux pannes électriques.

Les municipalités, notamment, doivent penser à des lieux dotés de connexions électriques plus sûres ou de génératrices dans lesquels les citoyens pourront se chauffer, prendre une douche et recharger leur voiture.

La résilience aux pannes passe finalement par nos résidences elles-mêmes. Nous serions moins vulnérables aux interruptions de courant si nos bâtiments étaient mieux isolés ou, encore mieux, passifs (des bâtiments à très basse consommation énergétique qui utilisent par exemple l’énergie solaire ou géothermique).

Hydro-Québec a justement annoncé cette semaine vouloir (finalement !) hausser sa cible en efficacité énergétique, un geste qui va dans le bon sens.

Une autre solution passe par les accumulateurs de chaleur déjà commercialisés par Hydro-Québec. En emmagasinant la chaleur pour la diffuser plus tard, ces appareils sont conçus pour adoucir les pointes hivernales. Mais ils pourraient aussi jouer un rôle lors des pannes électriques de courte durée. Malheureusement, Hydro-Québec en fait très peu la promotion.

Les pannes de courant qui viennent de nous plonger dans le noir doivent faire allumer des lumières sur notre tableau de bord.

1. Consultez le chapitre 5 du Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2022-2023 Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion