Le statu quo en santé n’est plus tenable. On a besoin d’une réforme, une vraie. Pas d’une « troisième guerre mondiale », comme le craint à juste titre l’ancien ministre de la Santé Gaétan Barrette.

Vrai, les syndicats des infirmières et des médecins spécialistes risquent de ruer dans les brancards quand le ministre de la Santé, Christian Dubé, présentera cette semaine son projet de loi pour créer Santé Québec et améliorer l’efficacité du réseau.

Mais en votant pour la Coalition avenir Québec (CAQ) aux dernières élections, les Québécois lui ont donné un mandat clair pour tenter de rétablir le système de santé, alors que tant d’autres ont échoué avant lui.

Au cours des dernières décennies, si les gouvernements successifs se sont tous cassé les dents, c’est à cause de lobbys qui détiennent l’équivalent d’un veto leur permettant de bloquer les réformes. Le syndicat des médecins spécialistes se trouve tout en haut de la liste, démontre la recherche scientifique.1

Le résultat est pathétique : les coûts augmentent et les soins pâtissent.

Cette année encore, Québec va augmenter de 7,7 % l’enveloppe de la Santé, qui accapare désormais 43 % du budget. Cela atrophie les autres missions de l’État, comme la Justice, dont le financement fondra de 2,2 %, même si le système tombe en ruine.

Malgré tout l’argent qu’on y consacre, le système de santé est pratiquement au bord de la rupture. Depuis la pandémie, les problèmes d’accès aux soins et la détresse du personnel soignant n’ont jamais été aussi grands. Et la pression va s’accentuer avec le vieillissement de la population.

Bref, il faut que ça change. Courage ! L’immobilisme a assez duré.

En cette première année de mandat, le ministre de la Santé ne doit pas rater l’occasion de vaincre le corporatisme qui englue le réseau de la santé.

Sa réforme est cruciale pour le Québec. Tout le monde doit mettre la main à la pâte. Heureusement, on sent que le ministre a des alliés.

Par exemple, le Collège des médecins a été un acteur important de l’entente conclue avec les médecins de famille, en mai 2022.

C’est le Collège qui a proposé le compromis d’offrir une équipe de professionnels pour chaque Québécois, plutôt qu’un médecin de famille comme l’avait promis la CAQ initialement. Depuis, 525 000 patients orphelins ont été pris en charge, au-delà de l’objectif.

Voilà bien la preuve que la collaboration peut porter ses fruits.

C’est au tour des médecins spécialistes d’apporter leur contribution. Le projet de loi du ministre Dubé leur donnera une « responsabilité populationnelle », ce qui les contraindra à pratiquer dans certains quartiers et certaines régions, comme c’est le cas des médecins de famille, dévoilait lundi notre chroniqueur Francis Vailles.2

C’est essentiel. En ce moment, les soins varient grandement d’une région à l’autre, ce qui pose un sérieux problème d’équité entre les patients.

Il faut aussi revoir les règles pour les infirmières.

Oui, on veut éliminer le « temps supplémentaire obligatoire » (TSO) qui épuise les infirmières. Oui, on veut sevrer le réseau des agences privées de placement qui siphonnent les ressources du réseau.

Mais alors, qui fera les heures défavorables ? Les gens ne sont pas malades seulement du lundi au vendredi, de 9 à 5.

Dans la Mauricie et le Centre-du-Québec, où la situation est critique, on a trouvé une solution équitable : demander à toutes les infirmières de travailler au moins une fin de semaine sur trois. Mais bang ! Tout de suite, le syndicat s’est dit outré.3

Ça augure mal pour la petite révolution du ministre Dubé qui veut couper dans le spaghetti de conventions collectives (quatre conventions différentes dans chacune des 34 régions pour un total de 134 contrats de travail !) afin d’uniformiser les conditions de travail à travers la province.

Cela permettra à une infirmière d’aller travailler dans une autre région qui manque de personnel sans perdre toute son ancienneté. Mais aussi de toucher des primes si elle va dans une région éloignée ou si elle travaille à des heures défavorables.

Tout a un prix. Les agences de placement l’ont bien compris. Christian Dubé aussi.

Ses grands objectifs sont bons, même si les détails de son projet de loi soulèveront certainement des critiques constructives. De grâce, travaillons ensemble pour la santé de tous, au lieu de partir en guerre pour défendre des intérêts corporatifs.

1 Consultez l’article scientifique : « Healthcare reforms, inertia polarization and group influence » (en anglais) 2 Lisez l’article : « Santé Québec : la loi s’attaquera au “carcan syndical” » 3 Consultez l’article de Radio-Canada : « Travail la fin de semaine pour toutes les infirmières de la région : le syndicat est outré » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion