Les auteurs s’adressent au premier ministre François Legault et aux ministres Christian Dubé, Sonia LeBel et Eric Girard

La pénurie d’infirmières est criante au sein des services publics de santé du Québec. Temps d’attente important, urgences fermées, décès évitables⁠1... Dans un contexte où les besoins de la population vieillissante ne cessent de s’accroître, la situation est inquiétante. Il est donc urgent que des mesures visant à attirer et retenir les infirmières dans le réseau public soient instaurées pour assurer des soins sécuritaires.

Malgré l’intérêt partagé d’augmenter les effectifs infirmiers, une récente décision du ministère de la Santé et des Services sociaux décourage la relève infirmière.

Depuis des années, différents CISSS et CIUSSS promettaient l’échelon 7, soit environ 33 $ l’heure, aux infirmières cliniciennes nouvellement diplômées sans expérience antérieure. Les différentes interprétations de la convention collective ont mené à l’application de cette pratique qui permettait néanmoins d’assurer l’attractivité du secteur public de la santé⁠2, 3. Aujourd’hui, le gouvernement de la CAQ demande que ces infirmières cliniciennes débutent au premier échelon, à 27 $ l’heure⁠4. Il va sans dire que ce salaire initial ne reflète aucunement leurs années d’études universitaires et leurs responsabilités professionnelles.

Sans mesure d’attractivité et de rétention dans les services publics, sans valorisation des années d’études universitaires, où ira travailler la relève infirmière ?

Au Canada, le Québec est la province qui rémunère le moins ses nouvelles infirmières. Terre-Neuve-et-Labrador offre le deuxième salaire le plus bas, soit 33,64 $ l’heure, ce qui représente une différence de près de 15 000 $ annuellement5. Toutefois, le Québec reste bon premier pour la quantité d’échelons pour atteindre le plafond salarial avec un nombre de 18. Ainsi, l’infirmière débutant à l’échelon 1 doit travailler 14 ans à temps complet avant d’atteindre le salaire maximum.

Il n’est donc pas surprenant de constater l’augmentation du nombre d’infirmières et d’infirmiers qui quittent le réseau public pour travailler dans le secteur privé ou dans les autres provinces à la recherche de la reconnaissance de leur contribution et d’un salaire représentatif dès le début de leur carrière. Dans la dernière année, les agences privées de placement en santé ont connu une croissance de 19 % ⁠6. Il nous semble peu réaliste de penser à l’arrêt de leur utilisation, alors que des décisions incohérentes avec l’attraction et la rétention de la relève infirmière dans le secteur public sont toujours prises. Le gouvernement souhaite être considéré comme un employeur de choix et, pour ce faire, nous croyons qu’il doit être en mesure de reconnaître l’apport de toutes les infirmières dès leur entrée dans le réseau.

Les associations étudiantes en sciences infirmières à travers le Québec se réunissent pour vous dire que nous sommes inquiètes pour l’avenir de la relève infirmière.

Tant que le gouvernement ne répondra pas aux attentes des infirmières et infirmiers par rapport à leur salaire et leurs conditions de travail, l’hémorragie de personnel infirmier dans le secteur de la santé ne fera que s’accentuer.

Aujourd’hui, nous demandons à la ministre Sonia LeBel d’envisager lors de ses négociations de placer le salaire initial des infirmières bachelières au septième échelon, ou d’ajuster l’échelle pour une rémunération équivalente, afin de les encourager à débuter dans le réseau public de la santé et à y rester.

Aujourd’hui, nous demandons au ministre Eric Girard d’assurer une hausse salariale pour les infirmières au budget provincial.

Aujourd’hui, nous demandons au ministère de la Santé et des Services sociaux de reconnaître nos années d’études universitaires à leur juste valeur.

Aujourd’hui, nous demandons au gouvernement de la Coalition avenir Québec d’agir pour l’avenir de nos membres et pour la santé de la population.

1. Lisez l’article de Katia Gagnon et Émilie Bilodeau « Ruptures de services : c’est pire que jamais » 2. Consultez la convention collective de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec 3. Lisez l’article de Radio-Canada « Des inégalités salariales frustrantes pour des infirmières cliniciennes » 4. Lisez l’article de TVA Nouvelles « Des infirmières cliniciennes payées moins cher que ce qui leur a été promis » 5. Consultez le document « Nurse contracts in Canada » (en anglais) 6. Lisez l’article du Devoir « Il n’y a jamais eu autant d’infirmières au Québec » *Consultez la liste des associations cosignataires et des signatures en appui Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion