Ah, si voter était un jeu d’enfant ! Si vos bulletins de vote ressemblaient à ces livres-jouets qui permettent d’interchanger la tête, le corps et les jambes de différents personnages pour composer celui qui vous plaît vraiment.

Quel morceau garderiez-vous de chacun des cinq partis pour former votre parti idéal ?

La question est un peu fantaisiste, on vous l’accorde. Mais pas tant que ça.

Dans un contexte où la Coalition avenir Québec (CAQ) pourrait obtenir une supermajorité de sièges avec une minorité de voix, grâce à la division du vote de l’opposition, François Legault aurait avantage à adopter les meilleures idées des autres partis pour faire avancer le Québec, comme il l’a évoqué cette semaine.

Ce serait faire preuve de respect envers les électeurs. Ce serait démontrer de la hauteur en se plaçant au-dessus de la partisanerie.

Dans cette campagne, La Presse n’a pas pris position en faveur d’un parti politique en particulier. Nous ne l’avons pas fait depuis que le journal a commencé à voler de ses propres ailes, en 2018. Mais notre équipe éditoriale demeure un observateur privilégié de la scène politique. La semaine dernière, nous avons d’ailleurs organisé des rencontres avec les chefs des cinq principaux partis, dont nous avons tiré cinq éditoriaux1.

En guise de synthèse, nous vous présentons donc chacun des morceaux que nous conserverions des cinq partis, comme dans un jeu qui nous permettrait de bâtir un parti sur mesure. Notre parti idéal… en pièces détachées.

À tout seigneur tout honneur. Commençons par la CAQ, dont nous repêchons l’équipe économique — la mieux outillée pour faire face à la récession qui gronde à l’horizon — et le ministre de la Santé Christian Dubé, qui a montré de quel bois il se chauffe durant la pandémie, notamment avec la plateforme pour la vaccination Clic Santé et ses tableaux de bord pour mesurer la performance. Sera-t-il celui qui parviendra à redresser le réseau de la santé, après tant d’échecs ? On aimerait le voir à l’œuvre…

De Québec solidaire (QS), nous retenons le plan vert, sans hésitation. La lutte contre les changements climatiques est le plus grand enjeu de la planète. Depuis 30 ans, le Québec a diminué ses émissions de COd’un minuscule 3 %. Il faut un coup de barre. Et vite. QS n’essaie pas de nous faire croire qu’on y arrivera en troquant seulement nos voitures à essence contre des voitures électriques. Son plan — vérifié par des experts – mise sur le transport collectif pour remplacer l’auto solo et sur un bonus-malus (taxes pour les véhicules énergivores et subventions pour les véhicules plus verts). C’est la voie à prendre.

De son côté, le Parti libéral du Québec (PLQ) nous semble le mieux placé pour défendre les valeurs primordiales d’inclusion et de diversité que sa cheffe Dominique Anglade incarne pleinement, de par ses origines haïtiennes. C’est quand elle parle de cet enjeu qu’on la sent vraiment vibrer, que l’on comprend pourquoi elle a quitté la CAQ, pourquoi elle a la politique à cœur. L’immigration est un atout pour le Québec, pas une menace. Les idées présentées par le PLQ pour améliorer l’implantation de nouveaux arrivants en région favoriseraient certainement leur intégration au Québec.

Parti du fond du baril, le Parti québécois (PQ) n’avait rien à perdre, n’aspirant même pas à former l’opposition officielle. Résultat ? Une authentique campagne d’idées, sans coups en dessous de la ceinture et sans bonbons purement électoralistes, comme tous les chèques et les baisses d’impôt promises par les autres partis. Bravo ! Paul St-Pierre Plamondon mérite de faire son entrée à l’Assemblée nationale. Sa présence enrichirait le débat politique, comme on l’a vu durant la campagne qui l’a avantageusement mis en lumière. On aimerait continuer à l’entendre militer en faveur d’un grand virage vers les soins à domicile. C’est la meilleure façon de bien s’occuper de nos aînés, sans crouler sous les coûts provoqués par le vieillissement de la population.

Quant au Parti conservateur du Québec (PCQ), sa simple présence dans cette campagne électorale a fait la preuve qu’une réforme de notre mode de scrutin est essentielle. Avec cinq partis en lice, les distorsions de notre système électoral seront plus frappantes que jamais. Comment justifier que des partis comme le PQ ou le PCQ, à qui les sondages accordent environ 15 % d’intentions de vote, pourraient n’obtenir qu’un, deux ou trois députés… ou même aucun ? Dans un système purement proportionnel, ils en auraient presque une vingtaine. Et le parti en tête serait forcé de faire des compromis, justement en repêchant les meilleures idées des partis adverses.

Même si M. Legault a fermé la porte à une réforme du mode de scrutin — une grave erreur, à notre avis —, rien ne l’empêche de tendre la main aux autres partis. Le travail transpartisan est possible, comme on l’a vu dans les dossiers de l’aide médicale à mourir et de la violence faite aux femmes. Et cette collaboration fait ressortir le meilleur de l’Assemblée nationale.

1. Lisez les cinq éditoriaux tirés de nos tables éditoriales :

Lisez « Derrière la façade d’Éric Duhaime » Lisez « Legault et le règne de la division » Lisez « PLQ : à la recherche d’une identité perdue » Lisez « Vite, un économiste pour QS ! » Lisez « Il est minuit moins une pour l’équipe Cendrillon » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion