Depuis quatre ans, Québec solidaire (QS) a pris beaucoup de maturité politique.

Sa plus grande contribution à la campagne électorale est majeure : sur l’enjeu crucial de notre époque, le climat, c’est QS qui a le meilleur plan, tout juste devant le Parti québécois.

QS a présenté un plan climat chiffré, modélisé, aligné sur les recommandations des rapports du GIEC, approuvé par des experts indépendants. Ça devrait être la norme pour tout parti aspirant à diriger le Québec.

Gabriel Nadeau-Dubois joue aussi franc-jeu avec les Québécois : il n’essaie pas de faire croire qu’on peut limiter les impacts des changements climatiques sans rien changer à notre mode de vie, sauf changer sa voiture à essence pour un modèle électrique.

On ne peut plus reporter le débat sur le climat. Depuis 1990, le Québec a diminué ses émissions de CO2 de seulement 3 % (contre - 40 % en Europe), beaucoup parce que les émissions du secteur des transports ont augmenté de 33 %.

C’est mathématique : pour diminuer nos émissions, il faut moins de véhicules énergivores sur nos routes.

QS taxerait les véhicules les plus énergivores (ex. : taxe de 6000 $ pour un F-150 neuf), mais cet argent (210 millions/an à terme) irait bonifier les subventions à l’achat d’un véhicule peu énergivore.

En matière de transports, le plan climat est conçu pour investir massivement dans les transports collectifs afin d’offrir des solutions de rechange à l’auto solo. Gabriel Nadeau-Dubois pense que c’est le plus grand défi de sa génération. « On ne reproche pas à la génération de Jean Drapeau d’avoir fait le métro », dit-il en entrevue éditoriale à La Presse.

QS n’est pas qu’un parti qui lutte contre les changements climatiques. Le parti de gauche force la tenue de débats nécessaires sur des sujets comme notre système d’éducation à trois vitesses, les conditions de travail pour les personnes au bas de l’échelle et la réforme du mode de scrutin. Qu’on soit d’accord ou pas avec ses solutions.

QS est aussi de loin le parti le plus dépensier/généreux, avec 10,3 milliards/an de nouvelles dépenses à terme en 2026-2027. Comparativement à 7,0 milliards pour le Parti québécois (PQ), 5,5 milliards pour le Parti libéral du Québec (PLQ) et 2,6 milliards pour la Coalition avenir Québec (CAQ).

Comment un gouvernement solidaire paierait-il la facture ? C’est là que ça se complique.

Reconnaissons à QS une qualité : contrairement aux autres partis, il n’a pas « triché » pour financer ses promesses en ajoutant de la croissance économique supplémentaire ou en puisant dans la réserve de stabilisation de 2 milliards/an. Mais il utilise les versements de 22 milliards qui devaient être versés au Fonds des générations d’ici cinq ans pour financer son plan climat et améliorer les soins aux ainés.

En contrepartie, QS finance ses engagements avec de nouveaux revenus fiscaux. Les fameuses « taxes orange » habilement rebaptisées par François Legault.

Rappel amical à nos amis solidaires : au déclenchement de la campagne électorale, le Québec n’était pas le Texas ou la Floride, mais bien le neuvième État avec la pression fiscale la plus élevée parmi les 39 États de l’OCDE, selon la Chaire en fiscalité et en finances publiques.

En Amérique du Nord, le Québec occupe le premier rang.

Malgré tout, QS propose beaucoup de changements pour les contribuables les mieux nantis :

  • la facture d’impôt grimperait pour ceux qui gagnent plus de 100 000 $. Le taux d’impôt sur le revenu (fédéral et Québec) passerait de 53 % à 57 % pour les revenus de plus de 200 000 $/an ;
  • on imposerait 100 % du gain en capital au lieu de 50 % ;
  • ajout d’un nouvel impôt sur les successions à partir de 1 million d’actifs nets ;
  • ajout d’un nouvel impôt annuel sur le patrimoine à partir de 1 million d’actifs nets (1000 $ par million entre 1 et 9 millions d’actifs nets, ce qui toucherait le 5 % des mieux nantis).

QS étire trop l’élastique fiscal, à notre avis.

Certaines mesures comportent des risques qu’on ne peut pas écarter du revers de la main au nom de la justice sociale.

Il est risqué d’imposer 100 % du gain en capital sans se coordonner avec le fédéral, sous peine d’exode de capitaux.

Le nouvel impôt sur les successions ferait en sorte qu’on taxerait deux fois la succession dans certains cas (la succession doit déjà payer l’impôt sur le gain en capital, sauf pour la résidence principale). Et le Québec est déjà le sixième État de l’OCDE avec les impôts sur le patrimoine les plus élevés, à cause des taxes foncières et scolaires.

L’arrivée d’un économiste de renom aiderait QS à se recentrer sur le plan fiscal, comme Jacques Parizeau a été la caution économique du PQ dans les années 1970 et 1980.

QS aspire à gouverner le Québec. Et gouverner, c’est choisir. À court terme, le parti aurait intérêt à privilégier les investissements de son plan climat.

S’il veut séduire les électeurs de centre gauche, QS devra tôt ou tard tempérer ses ardeurs fiscales, se recentrer, sans renier ses valeurs.

Ça s’appelle faire des compromis.

En savoir plus
  • 45,7 %
    Au Québec, le groupe des 7,5 % des contribuables les plus riches, ceux qui gagnent plus de 100 000 $ par an, paie 45,7 % de tous les impôts provinciaux sur le revenu.
    Source : Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke
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