Ce n’est pas faute d’efforts si la campagne de Dominique Anglade n’a pas levé.

La cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ) travaille d’arrache-pied pour que sa formation conserve son titre d’opposition officielle. En rencontre éditoriale, c’est une femme dynamique et passionnée qui est venue expliquer à La Presse les propositions de son parti.

Mme Anglade a pris les rênes du PLQ en mai 2020. Elle incarne deux premières historiques : première femme à diriger le PLQ et première femme de couleur à diriger un grand parti politique québécois. Elle illustre aussi une théorie en management, celle de la « falaise de verre » (cousine du « plafond de verre »). Cette théorie, maintes fois confirmée dans les milieux d’affaires, sous-tend que lorsqu’une entreprise ou une organisation politique est en crise, on a tendance à nommer, pour la redresser, une femme ou un candidat issu des minorités. Mme Anglade coche les deux cases.

Mais deux ans, c’est bien peu pour remonter la falaise et recoller les morceaux d’un parti en miettes.

Même si ce parti a une grande histoire, et qu’il est à l’origine de plusieurs legs importants qui font la fierté des Québécois, comme le droit de vote des femmes, la Charte québécoise des droits et libertés, la nationalisation de l’électricité, la carte d’assurance maladie, la création de la Caisse de dépôt et placement, etc.

Or, de quoi le Parti libéral du Québec est-il le nom aujourd’hui ?

Difficile de répondre à cette question.

Avec les scandales de corruption et les mesures de rigueur budgétaire, les gouvernements de Jean Charest et de Philippe Couillard ont fait très mal à la marque libérale, qui a recruté ses derniers candidats de peine et de misère. Les cicatrices sont encore fraîches, pour ne pas dire sanguinolentes.

L’identité du PLQ ne se précise pas davantage quand on lit sa plateforme électorale, dans laquelle on trouve des propositions qui vont dans toutes les directions.

Le parti de l’économie ? La Coalition avenir Québec (CAQ) lui a ravi ce titre avec son trio économique et la ferveur de François Legault pour le développement économique. Et les erreurs dans le cadre financier du PLQ n’auront rien fait pour rassurer les Québécois. Est-ce pour prendre ses distances avec l’austérité du précédent gouvernement libéral ? Le plan de Mme Anglade est plus dépensier. Elle propose des baisses d’impôt et supprime la réserve de 2 milliards de dollars par année pour faire face à l’incertitude économique. Par contre, elle continue à investir dans le Fonds des générations jusqu’à ce que le ratio de notre dette, qui est à 38 % du PIB, atteigne la moyenne canadienne de 32 %. La CAQ, elle, réduit les versements dans le Fonds des générations de 40 % pour financer ses promesses.

Avec son projet ÉCO, le PLQ serait-il le parti de l’environnement ? Dans ce dossier, le parti de Mme Anglade s’est fait dépasser sur sa gauche par Québec solidaire et le Parti québécois, plus ambitieux et déterminés à faire de l’environnement une priorité. L’obsession de Dominique Anglade pour l’hydrogène vert ne soulève pas l’enthousiasme de la population, encore moins celle des experts qui remettent en question les gains en efficacité. Oui, l’hydrogène vert peut faire partie de notre portefeuille énergétique, mais il serait périlleux de tout miser sur ce nouveau carburant.

Quand Mme Anglade parle de santé, alors là, on grince des dents. Non seulement on n’y croit pas lorsque la cheffe libérale promet un médecin de famille pour chaque Québécois, mais il est impossible de l’écouter parler de décentralisation dans le réseau de la santé sans que nous revienne le douloureux souvenir des réformes de son ex-collègue Gaétan Barrette.

Ce parti a un déficit de crédibilité en matière de santé et il faudra que l’eau coule encore un peu sous les ponts avant qu’on puisse tendre l’oreille à ses solutions.

Quand on demande à Mme Anglade de nous résumer son parti en un mot, elle en suggère deux : inclusif et moderne. Moderne est un mot fourre-tout qui ne veut pas dire grand-chose. Inclusif est beaucoup plus incarné dans la bouche de Mme Anglade, elle-même fille d’immigrants haïtiens. C’est un mot qui colle à sa conception de la société québécoise et on adhère à l’idée d’un Québec qui ouvre les bras, accueille, intègre.

Le PLQ serait-il le parti de l’immigration, alors ? On veut croire à sa vision régionaliste, même si on ne sait pas trop comment elle s’y prendra pour convaincre les nouveaux arrivants de s’installer à Sept-Îles ou à Thetford Mines. Quant aux positions de Mme Anglade sur la loi 96 qui renforce la protection du français, c’est un euphémisme de dire qu’elles ont été difficiles à suivre.

Mme Anglade offre une alternative au paternalisme incarné par François Legault et elle a certainement les compétences pour être première ministre. Mais une personne seule ne peut rebâtir un parti aussi endommagé que le Parti libéral du Québec, et ce, même si on trouve dans les rangs de son équipe des personnes de qualité comme Marwah Rizqy, Frantz Benjamin ou Fred Beauchemin. Le problème de sa formation politique la dépasse. C’est celui d’un parti qui se distinguait par sa vision économique et son opposition à la souveraineté du Québec et qui, aujourd’hui, n’a plus d’identité. Un parti qui se cherche une vision.

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