Où est donc passée l’image du bon père de famille que François Legault a si bien incarné durant la pandémie ?

Connecté sur la population, il avait le talent de rassembler, de parler aux Québécois lors de ses nombreux points de presse, ce qui a favorisé la cohésion sociale durant ces heures sombres… et sa cote de popularité.

Depuis le début de la campagne, le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) ressemble davantage à un vieil oncle peu commode, lui qu’on a vu faire la moue durant les débats en répliquant de façon agacée aux autres candidats.

C’est comme si le premier ministre, tellement sûr d’être réélu, n’avait pas envie de s’enfarger dans une campagne électorale. « Continuons », dit son slogan peu imaginatif. Ç’aurait pu être aussi : « Passons vite à un autre appel ».

Mais en démocratie, on ne peut pas agir comme un bulldozer. Et malgré son avance écrasante, la CAQ gagnerait à être plus à l’écoute.

Prenez l’économie…

Oui, la CAQ se démarque avec une équipe solide d’hommes d’affaires qui inspire confiance alors que la province risque d’affronter une récession. Mais en 2022, on ne peut plus laisser le train du développement économique foncer droit devant, en laissant l’environnement dans le wagon arrière.

C’est ce qui se produit avec la filière batterie, un projet phare de la CAQ qui suscite de l’inquiétude dans plusieurs régions. Les résidants redoutent l’implantation cavalière de futures mines de graphite, un ingrédient essentiel de la transition énergétique.

Or, François Legault fait peu de cas de ces craintes fort légitimes. Mieux encadrer les territoires incompatibles avec l’activité minière n’est pas dans ses cartons, a-t-il dit à La Presse, lors d’une table éditoriale éclair, organisée lundi matin, avant son départ pour les Îles-de-la-Madeleine.

Voyez maintenant en santé…

On a envie de croire au ministre Christian Dubé, même s’il ne réinvente pas le bouton à quatre trous avec sa « refondation » du système qui repique les bonnes idées du passé.

Le ministre Dubé est un gestionnaire qui carbure aux données et aux indicateurs de performance. Son regard extérieur laisse présager qu’il pourrait réussir, là où tant d’autres ont échoué.

Néanmoins, on ne comprend pas pourquoi la CAQ s’entête à construire ses maisons des aînés qui coûtent trois fois plus cher à bâtir que des CHSLD, donnant l’impression d’être coincée dans une promesse électorale.

Dans d’autres domaines, la CAQ ne manque pas seulement d’écoute. Elle joue carrément la corde de la division.

On l’a vu avec le dangereux rapprochement que François Legault a fait entre l’immigration et la violence, alors qu’il cherchait à expliquer pourquoi il refuse d’accueillir plus de 50 000 immigrants par an.

Le Québec peut très bien être inclusif, sans perdre son identité et sa langue.

Mais François Legault préfère brandir l’épouvantail de la louisianisation du Québec. Du même coup, il réclame plus de pouvoirs à Ottawa, notamment en matière de réunification familiale. Sachant que la réponse sera non, il suscite pour rien le ressentiment des Québécois face au fédéral. Même si les immigrants étaient forcés d’apprendre le français avant de venir rejoindre leur famille au Québec, comme voudrait l’imposer M. Legault, cela ferait bien peu de différence, puisque ces cas sont peu nombreux.

François Legault sème aussi la discorde quand il suggère aux jeunes de s’intéresser à l’éducation plutôt qu’à l’environnement. La passion du premier ministre pour l’éducation est manifeste. « Tout ce que j’ai dans la vie, c’est grâce à l’éducation », dit-il.

Nul doute, l’éducation est l’avenir du Québec. Mais il n’est pas utile de mettre cela en opposition avec l’environnement, qui est le futur de la planète.

Pas besoin non plus d’accuser les Montréalais de « regarder de haut les gens de Québec » parce qu’ils remettent en question le troisième lien. On peut très bien adorer la capitale, tout en étant contre ce projet électoraliste de 6,5 milliards qui ne repose sur aucune étude.

La politique de la division sert bien la CAQ qui se retrouve en position de force face à une opposition complètement atomisée. Mais elle dessert les intérêts du Québec.

Personne n’a de boule de cristal, mais il est possible que la CAQ obtienne 80 % des sièges avec à peine 40 % des votes, gracieuseté de notre mode de scrutin qui fonctionne mieux dans un système bipartite.

M. Legault, qui prônait une réforme du mode de scrutin lorsqu’il était dans l’opposition, estime maintenant que ça n’intéresse qu’une poignée d’intellectuels. Encore une façon de diviser.

Avec un deuxième mandat à portée de main, espérons que M. Legault développera une meilleure écoute.

Ce n’est pas en disant aux anglophones que l’agrandissement de leurs cégeps passe en deuxième ou en accusant les communautés autochtones de vouloir faire des « débats de mots » parce qu’ils veulent qu’on reconnaisse le racisme systémique qu’il donnera l’impression d’être le premier ministre de tous les Québécois.

Pas seulement ceux qui votent pour la CAQ.

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion