À son arrivée au pouvoir, et même avant, Justin aimait beaucoup la Chine.

Il voulait visiter l’empire du Milieu et marcher sur les traces de son paternel qui, comme beaucoup de jeunes de sa génération, avait une certaine fascination pour le pays de Mao. Devenu politicien, alors que les Occidentaux reconnaissaient unanimement Taiwan où s’était réfugié leur défait poulain, Tchang Kaï-Chek, Pierre Elliott Trudeau avait posé une action audacieuse en reconnaissant le gouvernement de la Chine communiste de Mao en 1970. Il paraîtrait que ce geste inédit est resté gravé en lettres d’or dans le cœur du Parti communiste chinois.

Comme le père, le fils Trudeau aussi admirait la Chine avant d’être premier ministre. Déjà en 2013, alors qu’il était devant un groupe de femmes à Toronto pour ramasser des fonds, Justin, le nouveau chef du Parti libéral, s’était commis maladroitement sur le sujet. À une personne qui voulait savoir quel pays il admirait en dehors du Canada, il avait confessé avoir un faible pour la Chine et l’efficacité décisionnelle de son régime dictatorial.

Certains diront qu’il ironisait, mais il y avait une petite part de vérité dans sa réponse, car dès son élection, Justin voulait faire comme son papa et s’approcher de la Grande Muraille. Aussi, dès septembre 2016, il nous annonçait entamer des pourparlers pour négocier un accord de libre-échange avec la Chine. Après cette communication, beaucoup de spécialistes ont écrit dans les pages des journaux et pris la parole pour lui dire qu’il était imprudent de se laisser ainsi lécher par un dragon.

Entre le géant chinois aux méthodes non orthodoxes et le minuscule Canada, le libre-échange équitable est aussi improbable qu’une amitié fusionnelle entre l’huile et l’eau, dirait ma grand-mère. Si l’eau se vante d’être une amie intime avec l’huile, le temps se chargera de lui donner tort. L’huile finit toujours par prendre le dessus et regarder l’eau de haut.

De la même façon, l’empire du Milieu veut désormais être au-dessus. Léger comme l’huile, il avance silencieusement sur ses partenaires aqueux qui pensent faussement s’engager dans un mélange homogène.

Si les ambitions chinoises de Justin ont finalement été anéanties par l’arrestation de Meng Wanzhou et les tribulations autour des antennes 5G de Huawei, ces rapprochements avec le régime de Pékin sont revenus le hanter avec ces histoires d’ingérence électorale qui font la manchette. Depuis quelque temps, Justin se dépatouille pour éviter une commission d’enquête indépendante. Combien de temps tiendra-t-il devant ce supplice de la goutte médiatique ? On verra. Chose certaine, au sommet du G20 à Bali, en Indonésie, on a vu dans le regard et le non-verbal de Xi Jinping le manque de considération qu’il avait désormais pour Justin. Que lui disait-il exactement pendant cette rencontre fortuite ? Permettez-moi d’ironiser sur ces quelques minutes de discussion.

Xi Jinping aperçoit Justin Trudeau, marche vers lui d’un pas décidé et il l’apostrophe en ces termes :

Xi : Ah bin ! Veux-tu bien me dire qu’est-ce que tu fais icitte, toi ?

Justin : Ni hao, mon ami !

Xi : Il n’y a pas de « Ni hao », ni de « mon ami ». C’est ton père qui était notre ami, pas toi ! À ta place, je serais gêné d’être un sans-génie aussi sans-gêne.

Justin : Voyons, Xi, comment ça t’es fru de même ?

Xi : Tu as ouvert ta trappe alors qu’on avait un accord !

Justin : Écoute, je n’avais pas le choix de parler un peu de ton ingérence dans nos élections… tôt ou tard, ça allait me rattraper.

Xi : Tu me serres la main et, de l’autre, tu me fais un bras d’honneur, Trudeau.

Justin : Dis-toi, mon Xi, que le bras canadien fait bien moins mal que le poing américain !

Xi : Ça, je le sais ! Les Américains, tu leur offres un ballon en signe d’amitié et ils te sortent une aiguille. Mais désolé de péter ta balloune, il faut que je te quitte, Justin.

Justin : Aussi vite ?

Xi : Oui ! Imagine-toi que j’ai 18 chefs d’État plus importants à rencontrer à ce sommet du G20. Si j’avais su que tu passais par ici, j’aurais pris un autre chemin.

Justin : Oh non, parle-moi pas de chemin…

Xi : Puisque t’aimes ça, fais-moi plaisir. Déguise-toi donc…

Justin : Ah oui !

Xi : En courant d’air.

Fin de la rencontre.

Aujourd’hui, aux prises avec des preuves accablantes d’ingérence chinoise, Justin, qui a encore cette conversation en mémoire, marche sur des œufs et essaye de ménager la démocratie canadienne et le dragon cracheur de feu. Pour ne pas pointer un doigt accusateur frontal vers Xi, il parle toujours d’ingérence chinoise et iranienne. Et, quand on lui demande de sévir contre le régime de Pékin, il se réfugie sur l’indiscutable nécessité de protéger les Canadiens d’origine chinoise. Une noble mission qui cache un projet inavoué. Celui de positionner les conservateurs comme des intolérants et insensibles aux terribles répercussions de ce feuilleton sur les Sino-Canadiens. Cette posture permet à Justin de solidifier son grappin sur le vote de cette grande communauté en ayant un œil sur le prochain rendez-vous électoral dont le déclenchement pourrait être sa porte de sortie.

À suivre.