Où s’arrêteront les tentatives d’ingérence de la part de la Chine ? En matière de sécurité nationale, c’est probablement la question la plus cruciale à poser ces jours-ci.

Alors que le débat continue de faire rage à Ottawa sur les interventions de Pékin dans les élections fédérales de 2019 et de 2021, voici qu’on apprend que la GRC enquête sur l’existence présumée de deux postes de police chinois au Québec.

La nouvelle, troublante, survient peu de temps après qu’un ballon-espion chinois a survolé le Canada et les États-Unis.

À peu près au même moment, on découvrait que de nombreux scientifiques d’ici, au sein de dizaines d’universités d’un bout à l’autre du pays, menaient des études en collaboration avec des chercheurs ayant des liens avec l’industrie militaire chinoise.

Les tentatives d’acquisition de technologies sensibles au profit de la Chine ont aussi fait les manchettes au cours des derniers mois. On pense notamment à l’ex-employé d’Hydro-Québec accusé d’espionnage l’automne dernier.

Quant aux craintes liées aux tonnes de données de Canadiens siphonnées par le célèbre réseau social TikTok, propriété d’intérêts chinois, elles sont légitimes. Car en Chine, les entreprises sont sommées de soutenir le travail de renseignement de l’État.

Les tentatives d’ingérence sont tellement nombreuses qu’on a parfois l’impression de faire face à une épidémie.

Dans ce contexte, il faut renforcer notre immunité et accroître nos gestes barrières.

La présence de « postes de police » chinois au Québec n’a pas encore été confirmée, mais Le Journal de Montréal a révélé jeudi dernier que la GRC enquête sur deux établissements gérés par une conseillère municipale de Brossard.

Cette dernière nie tout. La GRC rapporte cependant que les deux établissements seraient à la source de pressions et de menaces proférées contre des membres de la diaspora chinoise.

Ces allégations sont extrêmement sérieuses.

Aux dernières nouvelles, la GRC recevait « des signalements » à ce sujet et continuait d’encourager « les victimes et les témoins » à se manifester, nous a dit vendredi le sergent Charles Poirier.

Disons-le : les allégations sont très, très plausibles. Car la présence de « postes de police chinois » à travers le monde a été documentée de façon rigoureuse, avant même qu’on évoque leur existence à Montréal.

L’organisation non gouvernementale Safeguard Defenders a révélé l’an dernier l’existence d’une cinquantaine d’établissements de ce genre dans plusieurs grandes villes du monde. Dont trois à Toronto et un à Vancouver, apprenait-on alors qu’une première enquête de la GRC dans ce dossier était déclenchée.

L’ONG a précisé que dans certains cas, on ne parle pas uniquement de pressions. Des établissements à l’étranger ont mené des « opérations de maintien de l’ordre » en coopération avec les autorités chinoises.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Porte du local du Service à la famille chinoise du Grand Montréal, rue Clark. La GRC soupçonne que l’organisme cache un poste de police chinois qui terrorise la diaspora.

C’est aussi scandaleux qu’inacceptable.

La présence de tels « postes de police » à l’intérieur de nos frontières, qui portent atteinte aux droits de nombreux citoyens, est un problème de sécurité nationale.

C’est aussi un geste qui démontre qu’il est grand, le mépris de Pékin pour notre souveraineté nationale.

Vendredi dernier, Xi Jinping a officiellement obtenu un troisième mandat de président de la Chine. L’évènement, qui confirme qu’il est le dirigeant chinois le plus puissant depuis Mao, est significatif.

Il nous aide à comprendre l’évolution du comportement du régime chinois sur la scène internationale.

Depuis que Xi Jinping consolide son pouvoir à Pékin, on jurerait qu’il s’inspire de Nicolas Machiavel, lorsque ce dernier disait qu’il est plus sûr d’être craint que d’être aimé.

Xi Jinping gère son pays d’une main de fer, mais il défend aussi beaucoup plus agressivement les intérêts de la Chine à l’extérieur de ses frontières.

Et le Canada, comme bien d’autres démocraties occidentales, en fait les frais.

Or, pendant (trop) longtemps, nous n’avons pas clairement fait comprendre au régime chinois où se trouvaient les lignes rouges qu’il ne devait pas franchir.

La situation se clarifie lentement mais sûrement.

Ottawa a même osé écrire noir sur blanc, dans la récente stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, que « la Chine est une puissance mondiale de plus en plus perturbatrice ».

Cela dit, une protection totale contre les tentatives d’ingérence du géant chinois est impossible.

Mais on mettra toutes les chances de notre côté en faisant la lumière au plus vite sur toutes les allégations d’ingérence, sans exception. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une enquête publique sur le rôle joué par Pékin dans nos élections demeure indispensable.

Par la suite, il s’agira de réagir avec une fermeté à la hauteur de l’ampleur des abus qui auront été confirmés.

La protection de notre sécurité nationale est à ce prix.

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