La Chine, qui dit vouloir jouer un rôle dans la cessation des hostilités en Ukraine, doit passer de la parole aux actes, estime la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly : il faut que le président chinois Xi Jinping prenne le téléphone et parle à son homologue de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, a-t-elle plaidé, vendredi.

Il s’agit là d’un des quelques éléments que la cheffe de la diplomatie canadienne dit avoir soulevés dans son échange avec son homologue chinois, Qin Gang, en marge du sommet du G20, en Inde, il y a environ une semaine.

PHOTO JUSTIN TANG, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly

« Nous exhortons la Chine à s’assurer que le président Xi ait une conversation avec le président Zelensky. Il n’y a eu aucune conversation téléphonique entre les deux présidents depuis le 24 février 2022 [le début de l’invasion] », a souligné la ministre en conférence de presse commune avec son homologue norvégienne.

Nous croyons que la Chine peut, et doit, jouer un rôle – évidemment, pas seulement en ne venant pas en aide à la Russie – pour faire en sorte que cette guerre cesse, et c’est exactement ce que j’ai dit à mon vis-à-vis chinois.

Mélanie Joly, ministre canadienne des Affaires étrangères

Le régime chinois a dévoilé, fin février, sa « position sur le règlement politique de la crise ukrainienne », un plan en 12 points qui propose de « respecter la souveraineté de tous les pays », de « renoncer à la mentalité de la guerre froide » et de « cesser les hostilités » dans l’espoir de « lancer des pourparlers de paix ».

Quelques jours auparavant, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, affirmait que Washington était en possession de documents montrant que le gouvernement chinois pourrait fournir des armes et des munitions à la Russie.

Or, la Chine (comme la Russie) est un membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, et donc, à ce titre, elle a « le devoir de défendre la Charte des Nations unies » et d’assurer la stabilité sur le continent européen, a fait valoir Mme Joly.

Postes de police présumés : Pékin ulcéré

La ministre des Affaires étrangères ne s’est par ailleurs pas attardée aux déclarations faites plus tôt par le gouvernement chinois au sujet du Canada.

En conférence de presse, vendredi, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mao Ning, a accusé Ottawa de nuire à la réputation de Pékin en réponse à une question sur les postes de police chinois présumés.

« La Chine suit le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, observe strictement le droit international et respecte la souveraineté judiciaire de tous les pays », a-t-elle plaidé.

« Nous espérons que les parties concernées cesseront de faire du battage médiatique et de discréditer la Chine », a ajouté la porte-parole, sans commenter directement l’existence de ces centres.

La même journée, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a annoncé avoir reçu une douzaine de signalements en lien avec les deux présumés « postes de police » chinois qui sèmeraient un « climat de terreur » auprès de la diaspora chinoise, selon un article du Journal de Montréal. L’annonce d’une enquête avait été faite la veille.

Registre des agents étrangers

Interpellée sur le début des consultations sur la création d’un registre des agents étrangers annoncé plus tôt en matinée par son collègue à la Sécurité publique, Marco Mendicino, la ministre Joly a souligné que l’Australie était un exemple à suivre.

« J’ai eu des conversations avec mon homologue australienne […] et certainement, nous nous inspirerons de ce modèle », a-t-elle soutenu.

Le processus de consultation du gouvernement fédéral se déroulera jusqu’au 9 mai prochain.

Au Bloc québécois, on considère cette annonce comme bien timide.

« Dans le dossier des ingérences étrangères, le gouvernement de Justin Trudeau nous démontre, une fois de plus, que plutôt que d’agir fermement comme la situation le requiert, il préfère la stratégie du « pelletage par en avant » », a déploré le député René Villemure, par voie de communiqué.

De hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral vantent auprès du premier ministre les mérites d’un registre depuis près d’un an. Les États-Unis et l’Australie font partie des pays dont les mesures devraient être imitées au Canada, a indiqué à Justin Trudeau le Bureau du Conseil privé en août 2022.

Avec la collaboration de Lila Dussault, La Presse