(Ottawa) Au moment où le président des États-Unis, Joe Biden, vient de signer une loi forçant la société chinoise détentrice de TikTok à vendre ses opérations sous peine d’expulsion, ici, au Canada, le gouvernement fédéral continue d’étudier ses options.

« Notre gouvernement suit de près les développements liés au projet de loi proposé par les législateurs américains », a indiqué mercredi dans un courriel Audrey Champoux, attachée de presse du ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne.

Un examen sur les activités de TikTok en sol canadien a été déclenché il y a au moins un an en vertu de la Loi sur Investissement Canada. La législation prévoit « l’examen des investissements étrangers de toute taille pour des raisons de sécurité nationale ».

« Le gouvernement n’a pas hésité, et n’hésitera pas, à prendre des mesures à l’égard des transactions qui porteraient atteinte à la sécurité nationale du Canada », a ajouté la porte-parole du ministre dans la même déclaration.

PHOTO COLE BURSTON, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre du Canada, Justin Trudeau

De son côté, le premier ministre Justin Trudeau n’a pas voulu se prononcer sur la décision de l’administration Biden. « Je ne vais pas commenter ce que font d’autres gouvernements », a-t-il dit en marge d’une annonce à Oakville, en Ontario.

« Nous savons que la sécurité, le respect de la vie privée et le respect des données des Canadiens doivent être une priorité absolue pour nous. Nous avons déjà pris des mesures significatives à ce sujet et nous allons continuer à le faire », a-t-il enchaîné.

Le gouvernement fédéral a supprimé des appareils de l’ensemble de ses fonctionnaires l’application du réseau social TikTok en février 2023, ayant déterminé que celle-ci posait « un niveau de risque inacceptable pour la vie privée et la sécurité ».

On s’inquiète que le régime de Xi Jinping puisse avoir accès aux données des utilisateurs de l’application. Car puisque l’entreprise propriétaire de TikTok, le géant ByteDance, est établie en Chine, elle est légalement tenue de partager les données réclamées par Pékin.

Au Parti conservateur du Canada, sans se prononcer sur le fond, on accuse Justin Trudeau de ne pas prendre la menace au sérieux.

« Les conservateurs prennent au sérieux toutes les menaces à la vie privée et à la sécurité provenant de régimes autoritaires étrangers et défendront toujours le droit à la vie privée des Canadiens », a-t-on déclaré.

TikTok collabore, mais se défend

« Nous continuons de collaborer à l’examen du gouvernement sur l’investissement de TikTok au Canada et restons déterminés à assurer la sûreté et la sécurité de la plateforme », a précisé une porte-parole de la succursale canadienne de l’entreprise.

Car il en va de l’intérêt de « millions de créateurs, d’artistes et de petites entreprises canadiens qui comptent sur TikTok pour gagner leur vie, trouver une communauté et créer des emplois », a complété la même porte-parole.

Aux États-Unis comme au Canada, TikTok dément catégoriquement avoir partagé des données d’utilisateurs avec le gouvernement chinois. Et la société chinoise promet de se battre devant les tribunaux contre la « loi inconstitutionnelle » promulguée par Joe Biden.

Le locataire de la Maison-Blanche a signé mercredi un texte adopté la veille par le Sénat américain. En vertu de la loi, ByteDance doit vendre TikTok dans un délai de 12 mois, faute de quoi le réseau social sera exclu des boutiques d’applications des téléphones intelligents sur le territoire américain.

La disposition fait partie d’un programme d’aide de plusieurs milliards pour l’Ukraine, Israël et Taïwan.

Legault de retour sur TikTok

CAPTURE D’ÉCRAN DU COMPTE TIKTOK DE FRANÇOIS LEGAULT

Le premier ministre du Québec, François Legault

Sur la scène fédérale, les députés de toutes les formations ont relégué aux oubliettes l’application du réseau social en février 2023, après en avoir reçu la consigne. Les chefs de parti ont aussi cessé d’utiliser TikTok, et aucun n’y est retourné depuis.

À Québec, l’Assemblée nationale avait recommandé aux 125 élus de l’abandonner aussi, dans une directive publiée le 28 février 2023. Il avait fallu quelques jours avant que le premier ministre François Legault se résigne à ne plus utiliser la populaire application.

Il a fini par y effectuer un retour il y a environ un mois.

Au dire de son attaché de presse Ewan Sauves, c’est notamment parce qu’« une directive du ministère de la Cybersécurité et du Numérique a évolué [en février dernier] », et par ailleurs, les publications sont faites à partir d’« un appareil distinct, non branché aux infrastructures du gouvernement ».

Et il y a une stratégie de communication derrière le recours à cet outil, évidemment. « On souhaite rejoindre via nos médias sociaux des Québécois qui ne s’informent pas via les médias traditionnels, expose M. Sauves. Et TikTok est particulièrement populaire chez les jeunes. »

Avec l’Agence France-Presse