(Québec) Avec une offre politique « complexe et parfois difficile à comprendre », Québec solidaire (QS) s’apprête à élaguer et adoucir son programme. Réunis en conseil national du 24 au 26 mai au cégep de Jonquière, ses membres débattront de la « déclaration de Saguenay », que le parti présente comme le « socle » à partir duquel il rafraîchira ses idées et mettra de côté des engagements qui se sont accumulés avec les années.

Ce qu’il faut savoir

Après la démission d’Émilise Lessard-Therrien de son poste de co-porte-parole de Québec solidaire lundi, Gabriel Nadeau-Dubois a proposé à QS de prendre un virage « pragmatique » et de revoir les responsabilités des leaders du parti.

Les membres de QS se réuniront en conseil national à Saguenay, plus tard ce mois-ci, où ils se prononceront sur une déclaration qui doit marquer le « socle » à partir duquel le parti rafraîchira ses idées avant de procéder à la révision du programme.

La « déclaration de Saguenay », que La Presse a obtenue, détaille quelques priorités d’un premier gouvernement solidaire.

Au terme d’une semaine de crise pour le chef parlementaire Gabriel Nadeau-Dubois, dont le leadership a été mis à mal par la démission-choc de sa co-porte-parole féminine Émilise Lessard-Therrien, La Presse a mis la main sur le cahier de propositions qui a été soumis aux membres le mois dernier afin d’entamer le renouvellement du programme et jeter les bases du processus menant à l’adoption de la prochaine plateforme électorale.

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Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

La déclaration de Saguenay –  que les solidaires pourront amender en conseil national – est le fruit de la tournée régionale que le parti a tenue après sa défaite électorale de 2022.

L’objectif de ce texte est de « se [tourner] majoritairement vers des éléments nouveaux pour [le] parti et non pas de réitérer des engagements pris dans le passé ».

S’il est adopté, il servira de boussole pour les prochaines étapes menant au scrutin de 2026.

En matière d’identité, un thème largement occupé par le Parti québécois, actuellement premier dans les intentions de vote, la déclaration de Saguenay propose de réitérer l’attachement de QS à l’interculturalisme, avec le français comme langue commune. Le texte rappelle également qu’un gouvernement solidaire affirmerait la primauté de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, que le gouvernement Legault met en sourdine pour protéger juridiquement la Loi sur la laïcité de l’État. Le parti rejetterait aussi le « nationalisme conservateur » qui se base sur « le ressentiment et la peur ».

Du ménage dans les engagements

Dans plusieurs autres domaines, en matière de ressources naturelles, d’habitation ou d’agriculture, par exemple, la déclaration de Saguenay va à l’essentiel et élague plus que jamais ce que Québec solidaire écrit actuellement avec moult détails dans son programme politique.

En santé, par exemple, le texte propose qu’un gouvernement solidaire « [décentralise] le pouvoir décisionnel vers les régions ». Comment ? Il faudra lire la plateforme électorale – qui sera elle aussi réduite à sa plus simple expression – pour le savoir.

Pour la gestion des forêts, alors que le programme de QS « préconise de placer la grande industrie forestière sous contrôle public », voire « la nationalisation complète », la déclaration de Saguenay fait un virage et reconnaît « le rôle central de l’industrie forestière dans l’épanouissement économique de plusieurs régions du Québec ».

Pour l’avenir, le texte proposé dit plutôt qu’il faut adopter « une stratégie d’adaptation des forêts aux changements climatiques, en collaboration avec les communautés touchées et l’industrie ».

En pleine crise agricole, le texte propose qu’un gouvernement solidaire confère la responsabilité de l’agriculture « au premier ministre du Québec » et que le parti « renonce à réformer le syndicalisme agricole », tout en reconnaissant le rôle de l’Union des producteurs agricoles (UPA).

Après l’adoption de la déclaration de Saguenay, QS mènera des consultations des mois de janvier à avril prochains pour la « rédaction du nouveau programme » qui devrait être adopté en congrès spécial en octobre 2025. Des consultations seront ensuite organisées pour rédiger une plateforme électorale à temps pour le printemps 2026, quelques mois avant l’élection. Ce document sera « court et cohérent », prévoit-on, contenant « 5 à 6  enjeux électoraux au maximum », comparativement aux 20 enjeux de la dernière plateforme.

Sol Zanetti brise le silence

Réagissant pour la première fois depuis la démission de son amie Émilise Lessard-Therrien du poste de co-porte-parole de Québec solidaire, le député de Jean-Lesage à Québec, Sol Zanetti, affirme que « la crise qui suit le départ d’Émilise nous force à trouver des solutions pour assurer l’égalité entre nos porte-parole féminin et masculin ». Plus tôt cette semaine, Gabriel Nadeau-Dubois plaidait pour que son parti prenne un virage « pragmatique » pour incarner un gouvernement en attente, puis qu’il revoie, dans le cadre de la réforme de ses statuts l’automne prochain, les rôles et responsabilités des porte-parole.

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Le député de Jean-Lesage, Sol Zanetti

« Depuis le jour 1, je veux qu’on soit un parti de gouvernement, mais pas un parti ni un gouvernement comme les autres. Tout le monde que je connais à QS veut qu’on forme le gouvernement. Pour moi, il faut surtout discuter en profondeur de la manière d’y arriver », affirme M. Zanetti.

Selon lui, QS doit doter son aile parlementaire de « statuts démocratiques » et créer son propre cadre plutôt que celui imposé par le Parlement.

« Je pense qu’il ne faut pas laisser le cadre nous araser. Il faut prendre la liberté de le dépasser. […] Manon a fait évoluer le cadre étroit de la politique québécoise en prenant le risque d’être elle-même. C’est d’ailleurs lors de sa campagne comme aspirante première ministre que nous avons vécu la croissance la plus phénoménale », note-t-il.

À l’époque, a poursuivi le philosophe de formation, QS n’essayait pas de répondre aux exigences de la « machine » à temps plein. « On a pris le risque d’assumer ce qui nous mobilisait pour vrai en sachant que certains allaient trouver ça ridicule, mais en espérant que d’autres salueraient notre courage, notre authenticité et notre sincérité », résume M. Zanetti. Selon lui, cette façon de faire de la politique a de l’avenir pour la gauche au Québec.