En ce début des vacances de la construction, la Sûreté du Québec avise la population qu’elle intensifiera sa présence sur les routes.

C’est non seulement nécessaire, c’est vital.

Les dernières semaines ont été marquées par une détérioration de la sécurité routière qui est franchement inquiétante.

Mercredi, on apprenait la mort d’un signaleur routier de 39 ans à la suite d’un délit de fuite la semaine précédente. Un automobiliste a foncé dans le chantier où le jeune père de famille travaillait, le tuant et heurtant son collègue qui s’en est tiré avec des blessures.

Lisez l’article « Signaleurs blessés lors d’un délit de fuite : l’une des victimes succombe à ses blessures »

Fin juin, une jeune femme de 22 ans, Dilan Kaya, a été renversée par un camion alors qu’elle traversait la rue dans le nord de la ville. Inconsolable, son père se rend tous les jours au coin de la rue Bélair et de la 22Avenue pour interpeller les autorités. Des résidants du quartier avaient souligné la dangerosité de cette intersection à plusieurs reprises au cours des dernières années. Leur colère depuis l’accident rappelle celle des résidants de Labelle et de Rivière-Rouge qui dénonçaient les dangers de la route 117 il y a quelques années.

Lisez l’article « Piétonne happée dans Saint-Michel : des signaux d’alerte, un drame et un père inconsolable »

Que se passe-t-il sur les routes du Québec ?

En 2022, 79 piétons ont perdu la vie, une hausse de 22,7 %, le pire bilan routier des 15 dernières années, selon l’organisme Piétons Québec.

En 2022, la SAAQ comptait 392 décès sur les routes du Québec, soit 45 de plus qu’en 2021, une hausse de 13,2 % par rapport aux années 2017 à 2021.

On croyait que la mort tragique de la petite Mariia, 7 ans, en décembre dernier, aurait jeté une douche froide et conscientisé les automobilistes à redoubler de prudence. Et on aimerait penser qu’en ajoutant des arrêts et des dos d’âne, les automobilistes se montreraient plus vigilants. Malheureusement, même si ces mesures d’apaisement ont montré leur efficacité, elles ne règlent pas tout.

La preuve ? Des automobilistes ont été vus effectuant des manœuvres dangereuses dans le Centre-Sud après la mort de la petite Mariia, sous le nez des policiers affectés à la surveillance de l’intersection… C’est désespérant.

Est-ce à dire que les villes doivent se croiser les bras et assister au carnage sans broncher ? Bien sûr que non.

Il faut continuer à multiplier les mesures d’apaisement de la circulation en s’assurant que les villes puissent intervenir rapidement sur leur propre territoire. La loi qui exige l’intervention d’un ingénieur pour mettre en place ces mesures a-t-elle rendu le processus plus ou moins efficace ? Il faudrait que cela soit évalué afin d’ajuster le tir au besoin.

Il faut également réfléchir à la présence des camions lourds dans les rues comme nous l’avions plaidé en décembre 2021.

Lisez l’éditorial « Accidents de la route : revoir la place des camions »

Nous avons également plaidé en faveur de l’ajout des radars aux intersections problématiques, en mai dernier.

Lisez l’éditorial « Plus de radars, moins de drames »

Cela dit, il faut être honnête et reconnaître qu’à l’origine, le problème, c’est l’auto.

Le nombre de véhicules est en croissance à Montréal, une île qui, jusqu’aux dernières nouvelles, n’est pas élastique.

Il s’ajoute en moyenne 8800 véhicules par année dans la métropole. Non seulement ils sont plus nombreux, mais ils sont aussi plus larges, plus hauts, plus lourds et donc, plus dangereux.

Ensuite, au volant de ces véhicules, il y a des humains parfois impatients, fatigués, préoccupés, en colère, distraits, imprudents. Des gens pressés qui accélèrent alors qu’ils devraient lever le pied. Qui ne font pas leur arrêt. Et qui oublient qu’un véhicule peut devenir une arme.

Près des trois quarts des automobilistes québécois ne respectent pas les limites de vitesse, selon la SAAQ. Et ils sont presque aussi nombreux (70 %) à dépasser la limite de vitesse dans les zones de 30 km/h, c’est-à-dire les zones scolaires. Quant aux passages piétonniers, on les traverse à nos risques et périls alors qu’ailleurs dans le monde et dans le reste du pays, les autos s’arrêtent immédiatement lorsqu’un piéton pose le gros orteil sur la première bande peinte sur la chaussée.

La France vient de modifier son code pénal en lien avec les accidents de la route. Désormais, on parlera d’homicide « routier » plutôt que d’homicide « involontaire » pour décrire un accident impliquant un automobiliste qui a fait preuve de négligence (texto au volant, alcool, vitesse, etc.). Ce changement a été effectué à la demande des familles des victimes qui voulaient que la gravité des gestes posés soit reconnue à sa juste valeur.

Le choix des mots n’est pas innocent et contribuera peut-être à sensibiliser les plus insouciants des automobilistes.

On devrait en faire autant au Québec.

Tout en rappelant aux automobilistes que les villes n’ont pas à s’adapter à la présence des véhicules toujours plus gros et envahissants. Au contraire, elles doivent décourager leur présence dans les milieux denses où on peut se déplacer en transports collectifs ou actifs.

La ministre des Transports Geneviève Guilbault doit déposer un plan de sécurité routière à la rentrée. On l’attend avec impatience.

Il faudra du courage politique pour tenir tête aux automobilistes. C’est une question de vie ou de mort.

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