Mardi, une jeune élève a été renversée par un véhicule automobile près de son école, à Saint-Constant⁠1.

Oui, encore.

En décembre dernier, Mariia Legenkovska, une fillette de 7 ans qui avait fui la guerre en Ukraine, est morte heurtée par un chauffard à l’intersection des rues de Rouen et Parthenais, à Montréal. Elle marchait pour se rendre à l’école.

Cinq mois plus tard, loin de redoubler de prudence à cet endroit marqué par la tragédie, les automobilistes boudent l’interdiction de virage à gauche instaurée pour sécuriser l’intersection. Pire : se sachant dans le tort, ils le font souvent à la hâte, ce qui est encore plus dangereux.

En une heure, un citoyen a filmé 44 de ces manœuvres interdites⁠2.

C’est aussi choquant que désespérant.

Partout au Québec, le sentiment de sécurité des piétons se dégrade à la vitesse d’une voiture qui accélère à la vue d’un feu jaune.

Les automobilistes sont sans cesse plus nombreux sur les routes. Ils conduisent des véhicules toujours plus gros, dotés d’angles morts plus importants, qui causent des blessures plus graves en cas d’accident. Et ils ont souvent les nerfs à vif à cause des nombreux chantiers routiers… et de la congestion qu’ils contribuent à générer.

Les piétons en font les frais.

Tant le bilan routier de la Sûreté du Québec que celui de la Société de l’assurance automobile du Québec montrent qu’après une accalmie pendant la pandémie, le nombre de piétons tués ou gravement blessés est malheureusement revenu aux niveaux d’avant la COVID-19⁠34.

À long terme, c’est toute la « culture du char » à laquelle il faut s’attaquer. Revoir l’aménagement du territoire, miser sur les transports en commun et l’autopartage… Un travail crucial, mais qui prend du temps.

En attendant, il y a une mesure très concrète qu’on pourrait implanter rapidement pour discipliner les délinquants du volant : déployer des radars photo sur nos routes.

Ceux-ci sont sous-utilisés au Québec. On en compte à peine 54 dans toute la province, dont 24 qui sont mobiles et peuvent être placés dans des zones accidentogènes. C’est beaucoup trop peu.

Sur l’île de Montréal, on trouve seulement 8 radars fixes, en plus de sept lieux approuvés pour installer des radars mobiles.

Toronto, en comparaison, compte 75 radars photo.

Non, ces appareils ne sont pas une solution magique. Ils ne peuvent pas détecter les virages à gauche illégaux comme ceux qui se multiplient à l’intersection où est morte la petite Mariia. Et dans le cas de l’élève renversée à Saint-Constant, il semble que la conductrice se soit immobilisée, puis soit repartie trop vite. Un radar photo n’aurait sans doute rien changé au drame.

Mais ce qui est certain, c’est que d’autres tragédies pourraient être évitées. Les études sont formelles : en épinglant les automobilistes qui roulent trop vite et ceux qui grillent un feu rouge, les radars photo conduisent à une réduction de la vitesse et du nombre de collisions⁠5.

Au début de l’année, dans la foulée de la mort de la petite Mariia, on a entendu tant la Ville de Montréal que la ministre des Transports Geneviève Guilbault vanter les radars photo.

Depuis, pourtant, rien ne bouge.

Dans les zones scolaires, les villes peuvent déployer ces appareils sans l’accord du gouvernement provincial. On attend encore l’action.

Ailleurs, il ne faut rien de moins qu’un arrêté ministériel pour installer un radar photo. Ça nous semble excessif.

Mme Guilbault dévoilera un nouveau plan d’action en matière de sécurité routière ce printemps. À son cabinet, on affirme que les radars photo « peuvent faire partie de la solution », sans s’avancer davantage.

À quelques semaines du dévoilement de ce plan, on souhaiterait un engagement plus ferme envers les radars photo. Les infractions qui se commettent tous les jours à l’intersection des rues de Rouen et Parthenais montrent bien que la sensibilisation a atteint ses limites. Les radars photo sont loin de tout régler, mais ils font partie de la solution.

Utilisons-les pour serrer la vis à ceux qui considèrent nos rues comme le far west.

1. Lisez l’article « Une jeune élève happée près de l’école » 2. Lisez l’article « L’intersection où est morte la petite Mariia toujours aussi dangereuse » 3. Consultez le bilan annuel en matière de sécurité routière de la Sûreté du Québec 4. Consultez le bilan routier partiel de la Société de l’assurance automobile du Québec 5. Lisez l’article « “On a besoin de radars photo dans les zones scolaires” » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion