L’automne dernier, 125 enseignantes et enseignants de la circonscription de Bernard Drainville lui ont remis une lettre dans laquelle ils énumèrent ce qui ne va pas dans le réseau.

Des extraits de cette lettre ont été cités récemment par le député péquiste Pascal Bérubé, dans le cadre de la commission parlementaire sur le projet de loi 23, qui se veut une énième réforme de la gouvernance scolaire.

« Ils disent : “Nos collègues passionnés s’épuisent au travail dans des classes surpeuplées et toujours plus complexes à gérer” ; les travailleurs, au-delà de la question du salaire, réclament une réelle reconnaissance de la profession à sa juste valeur. Ils disent que les jeunes enseignants quittent le métier avant les cinq premières années. Ils dénoncent un manque de plus en plus criant de ressources dans les programmes dits ordinaires au profit des programmes dits particuliers au public et du privé », a rapporté le député de Matane-Matapédia.

Le constat du député est aussi celui de plusieurs acteurs du réseau : la législation actuelle n’offre pas de remèdes à ces problèmes, qui sont parmi les plus urgents en éducation.

Ils ont raison.

Bien sûr, l’Institut national d’excellence en éducation, qui sera créé par le projet de loi, va être un atout pour le réseau. Nous l’avons déjà soutenu et expliqué.1

Il va pouvoir éclairer les pratiques du milieu de l’éducation comme l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux le fait pour le milieu médical.

Mais au-delà de la mise sur pied de ce nouvel institut, ce dont on discute à Québec pendant la commission parlementaire, ce sont des sujets périphériques aux enjeux fondamentaux.

On parle par exemple des normes selon lesquelles certains services éducatifs peuvent être offerts à distance.

On assiste à des échanges parfois musclés sur le nombre d’heures de formation qui pourraient être imposées par Québec au personnel enseignant, par opposition à celles qui pourraient être choisies librement.

Oh, ce sont des questions importantes, bien sûr ! On ne peut pas faire l’économie de ces discussions. Mais quiconque pensait que la réforme de l’éducation de Bernard Drainville allait permettre de régler des questions déterminantes devrait probablement revoir ses attentes à la baisse.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le projet de loi 23 déposé en mai par Bernard Drainville « est perfectible et il faut espérer que le ministre veillera à l’améliorer ».

Parce qu’on ne parle pas assez, dans ce projet de loi, des « vraies affaires », comme l’aurait probablement dit le nouveau ministre à l’époque où il commentait l’actualité à la radio.

Sans compter que certains des changements annoncés vont à l’encontre de ce qui serait souhaitable pour le réseau.

Pourquoi diable cherche-t-on, par exemple, à centraliser encore davantage, alors qu’on n’a même pas fait le bilan de la réforme de la gouvernance opérée par Jean-François Roberge il y a trois ans ?

Le projet de loi veut notamment confier au ministre la nomination des directeurs généraux de tous les centres de services scolaires de la province et le pouvoir d’annuler les décisions prises par ces instances.

Pourquoi cherche-t-on à atrophier le Conseil supérieur de l’éducation en réduisant la portée de son mandat (il s’occuperait désormais strictement de l’enseignement supérieur) ? Créé en 1964 en même temps que le ministère de l’Éducation, cet organisme est un allié du ministre, même lorsqu’il fait office de contre-pouvoir.

Bien sûr, ce projet de loi est perfectible et il faut espérer que le ministre veillera à l’améliorer dans la foulée des nombreuses recommandations obtenues en commission parlementaire depuis la semaine dernière. Mais il ne pourra pas aller jusqu’à en modifier la teneur.

On aurait pu croire, alors que Christian Dubé préside à une véritable refondation du système de santé, que Bernard Drainville mettrait lui aussi de l’avant en éducation une réforme ambitieuse dans le but d’avoir un impact majeur sur le terrain.

Ce n’est pas ce à quoi on assiste ici, même si l’Institut national d’excellence en éducation mènera assurément, à moyen terme, à de meilleures pratiques.

Espérons à tout le moins qu’à défaut de régler les problèmes les plus sérieux du réseau avec son projet de loi, le ministre ne va pas en créer de nouveaux.

1. Lisez l’éditorial « Qui a peur de l’excellence en éducation ? » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion