On s’enfonce encore dans une période trouble en éducation au Québec. Ceux qui vivent l’école au quotidien auraient pourtant bien besoin d’un horizon stable. Mais le ministre se prépare à résister à ce qu’il appelle la résistance au changement. Comment lui expliquer que ce qu’il considère comme de la résistance au changement représente plutôt le fait d’assumer la responsabilité d’agir pour assurer la protection des conditions de vie et d’apprentissage des élèves ?

Le nouveau projet de loi 23 bouscule du revers de la main ceux qui ont tissé des liens avec le milieu à travers les années (Conseil supérieur de l’éducation, entre autres) au profit d’une nouvelle instance qui veut en mener large, tout de suite (Institut national d’excellence en éducation). Tout ça avec des superpouvoirs accrus pour le ministre et une soif intense de statistiques censées être garantes de la réussite éducative.

Encore une fois, les enfants, les jeunes et les personnels scolaires seraient au service de tous ceux qui en principe sont en poste pour les soutenir.

Encore une fois, ils seraient utilisés pour valider des choix pédagogiques, balisés par des exercices administratifs, le plus souvent éloignés de la connaissance des vrais besoins du milieu et qui nuiraient à leurs parcours, à leur engagement tout comme au développement de leurs compétences.

La question qui émerge : comment faire pour protéger les élèves et les personnels scolaires de cette méconnaissance persistante qui mène à des abus qui sont érigés en système ?

Premièrement : une mise au point s’impose considérant tout ce que les élèves entendent et ressentent

Chers élèves, où que vous soyez rendus dans votre parcours scolaire, quelqu’un doit vous dire que vous n’êtes pas responsables de tous les problèmes dont vous entendez parler. Cela est vrai, peu importe qui vous êtes ou quel milieu vous fréquentez. Nous vivons un problème de système et ce sont les adultes qui ont la responsabilité de faire en sorte que ce système vous offre les meilleures conditions possible. Ça reste un privilège d’être avec vous au quotidien, ne l’oubliez pas. Cela dit, ça n’exclut en rien votre responsabilité à vous, qui est celle de faire de votre mieux pour vous, avec les efforts nécessaires et avec ceux qui vous accompagnent.

Deuxièmement : la création d’une voix distincte s’impose pour tenir compte de l’expertise des acteurs de terrain

Depuis trop longtemps, cette voix n’existe pas pour les personnels scolaires. À la base, notre système n’est donc pas inclusif. Par exemple, en commission parlementaire, les 1er, 2, 6 et 7 juin, même si les enseignantes et les enseignants sont représentés par leurs syndicats, il aurait été nécessaire de les entendre directement. Ils ont l’expérience de terrain pour témoigner de la perception précise des écueils qui se dressent et pour amener des propositions pertinentes pour remédier aux situations qui se présentent au quotidien. Malheureusement, on a pris l’habitude de parler pour eux, en choisissant trop souvent ce qu’il convient de dire pour eux. Faut-il s’étonner que plusieurs sentent qu’on les considère comme des exécutants ? Faut-il s’étonner que certains quittent la profession ou songent à la quitter, conscients aussi des dommages qui se font et auxquels ils participent malgré leurs convictions profondes et leur engagement envers les élèves ? C’est peut-être leur façon de résister à la résistance aux changements nécessaires pour améliorer les conditions d’exercice.

Troisièmement : s’impose aussi la reconnaissance des initiatives et des réussites de terrain, pour les faire connaître et s’en inspirer

Il serait sage de s’intéresser aussi à ce qui se passe bien dans les écoles. Tout ce qu’on ne connaît pas faute de voix, c’est ce qui fait vibrer un milieu à l’unisson autour des élèves et d’un projet commun, ce qui amène un dépassement, un effort consenti de ceux qui participent, ce qui crée une appartenance, ce qui instruit et éduque en même temps. Si on libérait cette voix, on verrait que les exemples sont multiples et inspirants. Si on s’y attardait, on comprendrait qu’il faut reconnaître et protéger cet engagement. Si on s’en inspirait, on aiderait les milieux à mieux respirer. Si on prenait le temps, on collaborerait plutôt que de contrôler.

Parmi les appelés à la commission parlementaire, certains prennent déjà le temps de comprendre les enjeux des milieux en établissant des collaborations respectueuses et avisées. C’est donc possible, dynamique et grandement apprécié.

La manière autoritaire d’imposer le projet de loi 23, sans consultation des milieux, nous démontre l’urgence incontournable de recadrer le mode de gestion et la vision même de l’éducation au Québec. Il nous confirme que ça ne peut pas se faire en vase clos et qu’il est impératif de réunir toutes les expertises pour se concentrer sur les élèves. Faillir à la tâche enfoncerait le système dans une dégradation toujours plus désolante qui aurait des conséquences à long terme peu enviables pour notre avenir à tous.

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