Si la stratégie du gouvernement Legault envers le caribou forestier était une série télé, on pourrait dire que tous les épisodes jusqu’à présent ont été affligeants.

Nos élus nous servent depuis des années un scénario fait de déni de la science et de manœuvres grossières pour gagner du temps.

Plutôt qu’agir, Québec a par exemple commandé une « méta-étude », puis une « commission indépendante ». On sait pourtant depuis longtemps que le caribou est en déclin, et on en connaît la cause principale : la dégradation du territoire provoqué par l’industrie forestière.

Ce triste feuilleton pourrait bientôt prendre fin. Le gouvernement doit enfin dévoiler sa stratégie de rétablissement du caribou forestier d’ici la fin du mois.

Ce nouvel épisode ne peut pas être un autre flop. Il doit représenter le dénouement final.

Québec doit accoucher d’un plan sérieux qui respecte ce que les scientifiques s’évertuent à dire depuis trop longtemps.

Dans le cas contraire, le scénario pourrait déraper encore plus. Le ministre fédéral de l’Environnement Steven Guilbeault a promis d’intervenir si Québec se montre incapable de protéger le caribou.

Ottawa respecterait ainsi ses obligations légales, et il faut évidemment que quelqu’un mette ses culottes pour protéger le caribou. Mais cela laisse présager un pénible affrontement fédéral-provincial qui attiserait les tensions entre les tenants de la conservation et ceux du développement économique.

Autant pour les Québécois que pour les caribous, il vaudrait beaucoup mieux que Québec fasse lui-même le travail comme il faut.

Le plan du gouvernement Legault pour assurer la survie du caribou forestier sera-t-il le bon ?

Il faudra évidemment attendre son dévoilement pour en juger.

Il y a toutefois des raisons d’être inquiet. Québec mène actuellement des « pré-consultations » auprès de plusieurs personnes impliquées.

Or, parmi celles qui ont vu les grandes lignes de la stratégie, certaines affirment publiquement qu’elle s’apparente à une « stratégie d’extinction ». D’autres sont plus discrètes, mais néanmoins préoccupées.

Lisez « Une stratégie d’extinction se prépare »

On espère de tout cœur que Québec écoute les critiques et s’active dans les coulisses à rectifier le tir.

Les communautés innues d’Essipit et de Pessamit, notamment, affirment qu’il n’y a rien pour protéger les caribous du Pipmuacan, à cheval entre le Saguenay–Lac-Saint-Jean et la Côte-Nord, outre un corridor de protection insuffisant à leurs yeux.

Les biologistes préviennent pourtant que cette harde risque d’être la prochaine à disparaître si des efforts importants ne sont pas déployés. Une stratégie qui n’en tiendrait pas compte serait incomplète et inacceptable.

Un autre piège se dessine. Dans ses documents, la Commission indépendante sur les caribous forestiers laisse entendre qu’un taux de perturbation du territoire de 35 % permet la survie du caribou. Cette valeur est même présentée comme un seuil à atteindre.

Or, les biologistes affirment plutôt qu’un territoire dégradé à 35 % n’offre que 60 % de probabilités qu’une population de caribous puisse survivre.

« […] Nous souhaitons souligner à quel point une stratégie d’aménagement qui serait basée sur l’atteinte et le maintien d’un niveau de perturbation de 35 % – tel que préconisé par le gouvernement du Québec – est risquée et n’offre aucune garantie que les populations de caribous seront autosuffisantes », a écrit un groupe de 50 experts dans un mémoire récent.

Espérons que le gouvernement en a pris note.

Oui, la stratégie de protection du caribou aura des impacts sur l’industrie forestière. Les incendies qui ravagent actuellement plusieurs régions du Québec risquent d’ailleurs d’exacerber les tensions entre protection de la faune et développement économique, grugeant à la fois le territoire du caribou et l’approvisionnement en bois pour les forestières.

Mais des experts comme Christian Messier, professeur à l’Université du Québec en Outaouais, affirment qu’il est possible « d’avoir le beurre et l’argent du beurre ».

L’aménagement intensif des forêts, dit-il, permettrait de faire bondir les rendements annuels de 1 à 2 mètres cubes de bois récolté par hectare à des rendements de 5 à 15 m⁠3.

Pratiquer un tel aménagement dans certaines zones permettrait d’en préserver d’autres pour la biodiversité.

Le gouvernement Legault s’est comporté jusqu’ici de façon gênante dans le dossier du caribou forestier. Il a maintenant l’obligation légale et morale de protéger cette espèce et de montrer qu’il se préoccupe réellement de la biodiversité.

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