Pas de coups de canon. Pas de tambours. Pas de manèges. Dieu soit loué, il n’y aura pas de célébrations au Québec pour marquer le couronnement de Charles III.

Ce n’est pas pour casser la fête, mais ce moment charnière de l’histoire royale britannique devrait être l’occasion de remettre en question le rôle archaïque de la couronne chez nous.

Il est temps de couper le cordon avec la monarchie. Ou, à tout le moins, d’amorcer une véritable discussion en ce sens.

Il est anachronique que notre pays soit dirigé par une gouverneure générale (GG) représentant un chef d’État étranger. Que les nouveaux citoyens et les élus doivent prêter serment au roi, sauf au Québec où cette obligation a été envoyée aux oubliettes après les dernières élections.

Après 156 ans de Confédération, il ne fait pas de doute que le Canada a atteint l’âge de la maturité. Le pays est prêt à s’affranchir de ce symbole désuet de son passé colonial.

Non, ce n’est pas une mission impossible.

Après tout, durant les 70 ans de règne d’Élisabeth II, 17 États l’ont aimablement dispensée de ses services. Et la Terre a continué de tourner.

Après la Barbade, dernier pays à s’être émancipé en 2021, des réflexions sont en cours dans plusieurs pays des Caraïbes : Jamaïque, Bahamas, Antigua-et-Barbuda…

Même chose « Down Under » où le premier ministre de la Nouvelle-Zélande s’est dit en faveur de l’abandon du roi comme chef d’État, tandis que l’Australie a décidé de remplacer le visage de la Reine par une image représentant la culture autochtone sur ses billets de banque, une idée dont le Canada pourrait facilement s’inspirer.

Car enfin, le Canada sera-t-il donc le dernier pays à se dépoussiérer ?

Il faut être réalistes : on ne peut pas simplement abolir les postes de GG et de lieutenant-gouverneur des provinces, car ils jouent un rôle essentiel dans notre système parlementaire, notamment lorsque vient le temps d’indiquer la sortie à un gouvernement minoritaire, lorsque les partis de l’opposition s’allient pour prendre le pouvoir, comme on l’a vu en Colombie-Britannique en 2017.

Sauf que le GG et ses lieutenants n’ont pas besoin d’être des représentants du roi.

Ils pourraient aussi bien être nommés par les assemblées législatives, avec l’approbation des deux tiers des élus, à la manière du Vérificateur général ou du Directeur général des élections.

Évidemment, cela exigerait des changements à la Constitution, ce qui nécessite l’accord des 10 provinces ainsi que de la Chambre des communes, un tour de force politique jamais réussi. Depuis les tentatives ratées des accords du lac Meech et de Charlottetown, la Constitution est perçue comme une boîte de Pandore qui risque de diviser le pays.

Mais il n’est pas utopique de croire qu’on puisse rompre avec la monarchie, sans virer le Canada à l’envers, car il s’agit d’un enjeu relativement consensuel. Un récent sondage Angus Reid démontre que la majorité des Canadiens (60 %) ne veulent pas reconnaître le roi Charles III comme notre chef d’État.

Le déclin de la popularité de la monarchie est facile à expliquer quand on pense aux liens entre le prince Andrew et le délinquant sexuel Jeffrey Epstein ou encore aux accusations de racisme de la part du prince Harry.

Les représentants de la couronne au Canada ont aussi eu leur lot de déboires, qu’il s’agisse de la rudesse de l’ancienne GG Julie Payette ou de la fraude de l’ancienne lieutenante-gouverneure du Québec Lise Thibault.

Alors, comment procéder pour remercier le roi d’Angleterre ?

Il faut viser une modification ciblée, au lieu de se lancer dans de grandes négociations constitutionnelles où chaque province brandira sa liste de demandes et où Ottawa cherchera à élargir ses compétences.

La route à suivre est plutôt celle utilisée par certaines provinces qui sont parvenues à modifier la Constitution en faisant adopter par leur assemblée législative une motion qui a ensuite été approuvée par les élus à Ottawa. La Saskatchewan l’a fait en 2022. Le Québec aussi en 1997 pour déconfessionnaliser ses commissions scolaires.

Évidemment, un changement impliquant les 10 provinces serait plus délicat qu’une modification bilatérale touchant une seule province. Mais le jeu en vaut la chandelle.

Le Québec pourrait d’ailleurs prendre l’initiative en mettant sur la table une première résolution. Les autres provinces auraient alors le devoir moral d’engager des discussions, comme l’a dit la Cour suprême dans un renvoi.

Tout cela n’est pas de la science-fiction constitutionnelle, même si le succès n’est pas garanti. Mais en cas de réussite, on aurait la preuve qu’il n’est plus tabou de modifier la Constitution.

Cela constituerait un legs significatif pour Justin Trudeau qui laisserait sa marque comme le premier ministre qui a coupé le cordon avec Londres, de la même manière que son père est passé à l’histoire pour avoir rapatrié la Constitution en 1982.

Mais pour l’instant, Justin ne veut rien entendre. Pour être bien certains d’étouffer le débat, les libéraux ont d’ailleurs glissé la reconnaissance de Charles III dans le projet de loi sur l’adoption du budget.

Tôt ou tard, il faudra se sortir la tête du sable. Nos élus frileux ne pourront pas rester éternellement en porte-à-faux de la population qui est prête pour une nouvelle ère. La reine est morte, vive le Canada !

Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion