Tous connaissent l’expression « Le roi est mort, vive le roi ». Elle signifie au Royaume-Uni, depuis au moins le règne d’Édouard Ier, qu’il n’y a pas de période de discontinuité, ou d’interrègne, entre la mort d’un souverain et l’accession au trône de son successeur.

Ainsi, au moment même du décès d’Élisabeth II, Charles III est devenu le roi du Canada. Son couronnement, aujourd’hui, marque la fin d’une époque, celle d’Élisabeth II, et le début d’une autre. Cette dernière commence sur fond de fortes frictions et tensions familiales de même que de précarisation de l’image publique de la monarchie britannique. Certes, la monarchie est fragilisée, mais elle est tenace néanmoins.

On ne peut étudier l’histoire de la monarchie constitutionnelle et son rôle au sein de la société canadienne d’aujourd’hui sans d’abord renvoyer au préambule de la Loi constitutionnelle de 1867. Celui-ci affirme que les provinces fondatrices du Canada ont manifesté le désir de former une union fédérale sous la couronne du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, et avec une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni. Ces provinces ont donc opté pour la monarchie, mais elles ont, implicitement, exprimé le souhait que cette dernière s’accompagne du principe du gouvernement responsable. Par conséquent, le Canada est une monarchie, mais il s’agit d’une monarchie constitutionnelle. En d’autres termes, au Canada, le monarque est soumis à la Constitution du pays, laquelle établit par ailleurs, quoique vaguement, les paramètres de son autorité.

Actuellement, les pouvoirs de Sa Majesté le roi Charles III à l’égard du Canada découlent de la Constitution elle-même, de lois dites organiques et de prérogatives royales. L’exercice de ces pouvoirs est par ailleurs régi par les conventions constitutionnelles et les usages. Le statut juridique et constitutionnel de la monarchie est ainsi modulé par l’interaction que le principe monarchique a avec d’autres principes de source et de portée constitutionnelles, comme le principe du gouvernement responsable.

Même si Sa Majesté est le chef d’État de 15 pays, en incluant le Royaume-Uni et le Canada, son règne se conforme à chaque réalité étatique. Ainsi, la monarchie constitutionnelle n’est pas incompatible avec la souveraineté canadienne.

Elle découle plutôt, jusqu’à nouvel ordre, de la volonté des Canadiens eux-mêmes. D’ailleurs, à l’occasion du rapatriement de la Constitution canadienne, la Loi constitutionnelle de 1982 est venue cristalliser et « enchâsser » dans la Constitution les fonctions du roi ainsi que celles du gouverneur général et des lieutenants-gouverneurs. En ce qui a trait à ces derniers, il y a lieu de souligner que leur statut, au niveau provincial, n’est pas fondamentalement différent de celui du gouverneur général dans l’ordre fédéral de gouvernement, si ce n’est que leurs fonctions protocolaires sont de moindre envergure.

Bien que les lieutenants-gouverneurs soient nommés par le gouverneur général en conseil, ils sont tout aussi bien les représentants de Sa Majesté le roi aux fins provinciales que le gouverneur général l’est aux fins fédérales.

Du reste, notons que le préambule du Statut de Westminster de 1931 dispose que les dominions visés par cette loi, dont le Canada, doivent donner leur assentiment à toute modification des règles de succession au trône et de présentation des titres royaux. Cette exigence, qui n’a toutefois qu’une portée conventionnelle, explique pourquoi le Parlement canadien a donné, en 2013, son assentiment aux changements apportés par le Parlement londonien à l’ordre de la succession au trône, changements visant entre autres à abolir à l’avenir la primogéniture masculine et à permettre dans certains cas des mariages avec des catholiques.

Il est impérieux, nous semble-t-il, de reconnaître l’importance indéniable de la monarchie constitutionnelle dans la culture, les valeurs et le droit du Canada.

De fait, la monarchie constitutionnelle est l’un des piliers sur lesquels repose la Constitution canadienne, avec un certain nombre d’autres principes comme le fédéralisme, l’État de droit, le constitutionnalisme, la souveraineté parlementaire, le parlementarisme de type britannique, l’indépendance judiciaire, les privilèges parlementaires et même la démocratie.

Même si l’on admet qu’il est difficile de concilier la monarchie constitutionnelle avec le principe démocratique, cela n’est pas impossible. En effet, le chef de l’État peut être légitimement perçu comme le garant de la primauté du droit et de l’ordre constitutionnel et, partant, de la démocratie.

Il est vrai que Charles III est moins populaire que sa mère l’était du temps de son vivant, mais l’on aurait tort de lier le sort de la monarchie constitutionnelle au Canada à la popularité – ou l’absence de popularité – du souverain régnant. D’abord, parce que cette popularité ne saurait qu’être variable. Ensuite, parce que la monarchie constitutionnelle transcende le monarque lui-même. Enfin, parce que la monarchie constitutionnelle fait partie intégrante de l’histoire du Canada. Elle a contribué à façonner ce pays, à lui donner sa physionomie particulière, originale, et d’ailleurs distincte des États-Unis, ce qui n’est pas rien.

Somme toute, au-delà de la personne même de Charles III se trouve une institution, la monarchie constitutionnelle, qui constitue l’un des fondements de l’architecture et de la structure du Canada et de sa Constitution. Ne serait-ce que pour cette raison, elle ne doit pas être sous-estimée.

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