Les tristes inondations dans Charlevoix ont coûté la vie à deux pompiers, coupé Baie-Saint-Paul en deux et fait plusieurs centaines de sinistrés.

« Les changements climatiques nous frappent, et on doit réagir et mettre les sommes conséquentes pour sécuriser le Québec », a dit le ministre de la Sécurité publique du Québec, François Bonnardel1.

Cette déclaration confirme qu’il n’y a pas de débat (entre personnes sérieuses) au Québec sur le fait que les changements climatiques causent de plus en plus de catastrophes naturelles. Les phénomènes extrêmes deviendront malheureusement plus nombreux et plus virulents.

C’est pourquoi, en plus de fournir notre part d’efforts pour ralentir les changements climatiques et limiter la hausse de la température à 1,5 oC, il faut préparer nos infrastructures aux dégâts que les changements climatiques pourraient causer.

Le problème, c’est que dans les faits, malgré ses déclarations, le gouvernement Legault n’est pas assez ambitieux en matière de lutte contre les changements climatiques. C’est malheureux.

L’été dernier, les villes du Québec ont demandé aux ingénieurs de la firme WSP et aux scientifiques d’Ouranos de calculer combien il faudra investir pour protéger les infrastructures municipales, souvent les premières à subir les contrecoups des changements climatiques.

On parle de sécuriser nos infrastructures pour prévenir les refoulements d’égout ou les inondations dans le métro parce que l’eau s’est accumulée trop vite. De protéger nos routes, nos usines de traitement d’eau potable, nos bâtiments. De s’assurer que nos rails de transport collectif puissent supporter des températures plus chaudes l’été.

Conclusion de WSP et Ouranos : il faut investir 2 milliards de dollars par année dès maintenant. Seulement pour protéger nos infrastructures municipales contre les effets des changements climatiques.

Le gouvernement Legault a rejeté cette demande de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) l’automne dernier en campagne électorale, puis à nouveau cette semaine.

François Legault donne deux explications, très peu convaincantes : il y a déjà de l’argent disponible dans certains programmes, et le contribuable québécois n’a pas les moyens de payer.

En effet, Québec a réservé 1,4 milliard sur cinq ans – donc 280 millions par an – pour adapter les infrastructures (municipales et provinciales) aux changements climatiques. La moitié de cet argent sera investi dans les infrastructures municipales, et on promet de rajouter de l’argent prochainement (on ne sait pas combien).

Deux cent quatre-vingts millions par an, ce sont des pinottes par rapport à ce qu’il faut investir pour sécuriser nos infrastructures (2 milliards seulement au municipal). Les villes ont peu de marge de manœuvre sur le plan fiscal – à moins de hausser les taxes foncières, un type d’impôt très peu progressif. C’est donc à Québec et Ottawa de couvrir la plus grande partie de ces 2 milliards.

On a le choix.

Ou bien on n’investit presque rien (15 % des besoins), on croise les doigts, et la facture risque d’être colossale à chaque catastrophe.

Ou bien on investit pour de vrai tout de suite, et nos infrastructures pourront mieux répondre aux défis des changements climatiques. Ça limitera les dommages et les impacts pour les Québécois. Et ça coûtera beaucoup moins cher : chaque dollar investi pour adapter nos infrastructures permet d’économiser cinq dollars en coûts directs pour réparer ou remplacer les infrastructures endommagées, selon l’Institut climatique du Canada2.

C’est tout un rapport coût/bénéfice !

Malheureusement, la CAQ a plutôt choisi la première option, entre autres parce que la capacité de payer des contribuables n’est pas « illimitée » selon M. Legault.

Québec vient pourtant d’offrir aux contribuables une baisse d’impôt récurrente de 1,65 milliard par an en 2023-2024. Il y avait de l’argent pour adapter nos infrastructures aux changements climatiques, mais la CAQ a choisi les baisses d’impôt, sa promesse électorale phare.

Qu’on ne vienne pas ensuite nous dire : désolé, il n’y a pas d’argent.

1. Lisez l’article « Inondations à Baie-Saint-Paul : “Le pire serait passé”, dit Bonnardel »

2. Institut climatique du Canada, « Limiter les dégâts : réduire les coûts des impacts climatiques pour le Canada », septembre 2022, 86 pages

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En savoir plus
  • 6,7 milliards
    Investissements annuels totaux pour les infrastructures municipales au Québec (en dollars ajustés à l’inflation), selon nos estimations à partir d’un rapport de 2012 de l’UMQ.
    Source : la presse (à partir des chiffres d’un rapport de l’Union des municipalités du québec)
  • 69 %
    Les villes paient en moyenne 69 % de la facture, Québec 17 % et Ottawa 14 %.
    Source : la presse (à partir des chiffres d’un rapport de l’Union des municipalités du québec)
  • 2 milliards
    Les villes estiment qu’il faudrait ajouter à ces investissements réguliers 2 milliards par an uniquement pour sécuriser nos infrastructures en raison des changements climatiques.
    Source : la presse (à partir des chiffres d’un rapport de l’Union des municipalités du québec)