(Baie-Saint-Paul et Montréal) Baie-Saint-Paul a été frappée par un « cocktail parfait » de pluies abondantes et de couvert neigeux dans les montagnes, mais « le pire serait passé », a indiqué le ministre de la Sécurité publique François Bonnardel, même si d’autres « coups d’eau » sont attendus dans les prochains jours. En après-midi, le pont Leclerc a été rouvert à la circulation : la ville n’est plus scindée en deux.

Ce qu’il faut savoir

  • Le pont Leclerc, au centre-ville, a été rouvert à la circulation, la ville n’est plus coupée en deux.
  • La Sûreté du Québec est à la recherche de deux pompiers disparus à Saint-Urbain.
  • Près de 600 personnes sont évacuées, en attendant que les routes soient réparées.

« Le pire serait passé. Maintenant, certains modèles météo nous disent entre 10 et 35 mm d’eau pour 48 heures. Je ne veux pas vous dire qu’on se croise les doigts, mais toutes les équipes sont en place pour sécuriser le réseau », a lancé M. Bonnardel en point de presse à l’hôtel de ville de Baie-Saint-Paul.

M. Bonnardel estime que les quelque 600 personnes qui attendent pour retrouver leur domicile devront patienter encore de 48 à 72 heures. « C’est normal que ces gens veuillent retourner à la maison, voir leur maison s’ils ont perdu des effets ou autres, mais il faut sécuriser le réseau », a-t-il dit.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

François Bonnardel

Malheureusement, on attend encore quelques coups d’eau. On attend entre 10 à 30 mm de pluie dans les prochaines 48 heures. On va laisser cette eau tomber, et d’ici 72 heures, des équipes d’ingénieurs sur le terrain vont se mettre en place pour être capables de sécuriser les routes qui coupent Saint-Urbain, qui coupent Baie-Saint-Paul. Faut se donner juste un peu de temps.

François Bonnardel, ministre de la Sécurité publique

De son côté, le maire de Baie-Saint-Paul, Michaël Pilote, estime que malgré la préparation du week-end, les autorités ont été « prises un petit peu au dépourvu ».

On avait anticipé quelques scénarios. On a travaillé tout au long du week-end en fonction de la météo. Force est de constater que Dame nature a été plus forte que nous.

Michaël Pilote, maire de Baie-Saint-Paul

Ils ont souligné que les centres d’hébergement sont toujours ouverts et que les citoyens peuvent venir s’y réchauffer ou dormir s’ils en ont besoin. Des programmes d’indemnisations sont aussi disponibles.

« Cocktail parfait »

La veille, les municipalités de Baie-Saint-Paul et de Saint-Urbain ont été frappées par un « cocktail parfait » qui a isolé la première ville et scindée en deux la seconde. Les rivières du secteur sont sorties de leur lit, plusieurs ponceaux ont cédé, et la très importante route 138, qui relie Québec à la Côte-Nord, a été « déchirée » par la force du torrent.

« Il est tombé entre 20 et 70 mm d’eau, avec un couvert de neige encore important dans la Réserve faunique. Un coup [d’eau] de 40 à 50 mm est tombé dans le secteur. Vous avez eu un cocktail parfait pour une crue que certains résidants n’avaient pas vu depuis 50-60 ans. C’est un constat malheureux », a dit M. Bonnardel.

Les villes du Québec demandent 2 milliards par année pendant cinq ans pour se préparer aux changements climatiques. Pour l’instant, le gouvernement Legault n’a pas accédé à cette demande.

« On a un constat net clair et précis. Les changements climatiques nous frappent, et on doit réagir et mettre les sommes conséquentes pour sécuriser le Québec », a dit le ministre. Il a souligné que 70 millions viennent d’être rendus disponibles pour sécuriser les berges, mais il s’agit d’une enveloppe destinée pour l’ensemble de la province.

Il est trop tôt pour quantifier les dégâts matériels à Charlevoix, a indiqué le politicien, qui est allé constater l’ampleur de la destruction en ville après son point de presse. Le pont Leclerc, qui relie les deux rives de la rivière du Gouffre au centre-ville, a été rouvert à la circulation.

Plusieurs ponts sous surveillance

Le ministère des Transports et de la Mobilité durable (MTMD) a rappelé mardi que la route 138 demeurera fermée dans les deux directions à Baie-Saint-Paul, dans les secteurs des rivières de la Mare et du Gouffre, et ce, pour une durée encore indéterminée. Un centre de coordination local a été mis sur pied dans la foulée.

Au total, « au moins six ponts » font présentement l’objet d’une surveillance en continu dans le secteur, affirme le ministère. Deux inspections ont d’ailleurs eu lieu en matinée mardi : d’abord sur le pont Leclerc à Baie-Saint-Paul, sur la route 362, puis sur le pont Saint-Urbain, sur la route 138, plus à l’est.

« La priorité du ministère est d’évaluer, dès que possible, les dommages subis aux infrastructures et de réaliser les travaux requis afin de procéder à la réouverture des routes », indique le MTMD, en se disant conscients « que ces fermetures entraîneront des répercussions importantes sur la circulation »

La ministre des Transports Geneviève Guilbault affirme avoir demandé que « des équipes techniques, d’hydrauliciens et de spécialistes en structures » soient dépêchées sur place mardi matin. Une demande a aussi été transmise à Hydro-Québec « afin d’obtenir une vérification des fils qui menacent de tomber au sol », a dit mardi son cabinet.

Plusieurs chemins de détours, affichés sur des panneaux à messages variables, ont par ailleurs été organisés. En direction est, on invite les usagers à utiliser la route 175 par la réserve faunique des Laurentides, la route 170 ou encore la route 172 vers Charlevoix. En direction ouest, il faudra plutôt utiliser la route 172 ou la route 170 en provenance de la Côte-Nord, voire la route 175 vers Québec.

Le rang Saint-Placide demeure aussi fermé à la circulation jusqu’à nouvel ordre, l’inspection générale d’une structure devant être réalisée avant de procéder à une réouverture. Sur l’eau, les activités du traversier Saint-Joseph-de-la-Rive/Île-aux-Coudres ont toutefois repris lundi en fin de soirée, plus tôt que prévu.

En fin d’après-midi, mardi, les autorités ont précisé que la route 349 a aussi été inondée entre St-Paulin et St-Alexis-des-Monts, en Mauricie, incluant le pont d’Allard, qui devra aussi subir une inspection. « Selon les endroits, il y a entre 7 et 11 pouces d’eau sur la chaussée. C’est une situation jamais vue dans le secteur. Les débris le long du pont d’Allard n’affectent pas pour l’instant l’écoulement de l’eau. Des signes d’affaissement dans l’accotement ont été observés », a indiqué le ministère, en confirmant que la route sera partiellement fermée avec une circulation en alternance.

Le Camping le Genévrier dévasté

Le camping le Genévrier, une importante institution touristique de Baie-Saint-Paul depuis plus de 50 ans, a été ravagé par les torrents d’eau qui affligent la municipalité depuis lundi. « C’est 50 ans de travail de la famille à bâtir une entreprise qui est un joyau de la région de Charlevoix en termes d’entreprise touristique avec une grande renommée et une grande réputation. De voir détruire autant de travail en si peu de temps. Y’a pas de mot pour décrire ça », lance l’un des propriétaires du camping, Bruno Labbé, visiblement ébranlé par la situation.

Implanté dans la région depuis longtemps, M. Labbé dit n’avoir jamais vu quelque chose de tel. « C’est une rivière qui bouge beaucoup quand il y a de bons coups d’eau, mais jamais comme on a vu hier [lundi] en quelques heures », relate-t-il en entrevue avec La Presse Canadienne.

« La rivière est complètement sortie de son lit et a embarqué sur le terrain du camping. Une grande partie du terrain a été inondée. Avec le débit d’eau, il y a de grandes parties du terrain qui ont été emportées par le cours d’eau », ajoute Bruno Labbé. Des images de roulottes du camping qui ont été emportées par le torrent ont abondamment circulé dans les dernières heures.

Situé à cinq kilomètres de Baie-Saint-Paul, le camping était hautement prisé par les touristes. Il offrait 400 sites de camping sur un terrain de près d’un kilomètre carré. « Il pouvait y avoir 2500 à 3000 personnes l’été à pleine capacité », assure le propriétaire.

Mais aujourd’hui, Bruno Labbé a bien de la difficulté à imaginer rebâtir son entreprise. « Les dégâts qui sont apparents, c’est des millions de dollars », explique-t-il. Il assure toutefois sentir l’appui des citoyens de la région. « On est conscient que toute la communauté va vouloir revoir le Genévrier en opération », dit M. Labbé. Le maire de la municipalité, Michaël Pilote, compte apporter son soutien à l’entreprise. « On va regarder la manière dont on peut les aider », assure-t-il.

La Presse Canadienne