(Québec) Un projet de logement social en développement à Québec sème l’inquiétude chez plusieurs propriétaires de condos haut de gamme, notamment à cause des bruits d’enfants que pourrait amener une garderie au rez-de-chaussée.

Le projet de coopérative d’habitation et de CPE pourrait voir le jour dans un secteur prisé du quartier Vanier, l’un des plus défavorisés de la capitale. La rue Bourdages est en effet un écrin de verdure, situé en face de la rivière Saint-Charles et de sa piste linéaire.

« Les gens ont investi dans une copropriété qui a été vendue comme la proximité de la nature, une vue sur la ville de Québec », a d’ailleurs lancé au micro un citoyen mercredi soir, lors d’une séance d’information d’abord rapportée par le Journal de Québec.

« Avez-vous regardé s’il y avait d’autres terrains autour plus propices ? Parce qu’on se doute que le terrain visé est onéreux », a demandé un autre.

Le projet Les Flots tranquilles veut s’intégrer sur un terrain privé – que la Ville de Québec n’a pas encore acquis – et qui se trouve entre deux tours de condos haut de gamme. La coopérative de 72 unités accueillerait un CPE de 80 places au rez-de-chaussée. Comme ailleurs au Québec, les places manquent dans la capitale.

Plusieurs voisins se sont dits inquiets du projet mercredi. Ils en avaient notamment contre l’idée de permettre la construction d’un édifice de sept étages, soit la hauteur des tours de condos actuelles. Certains ont dit craindre une baisse de la valeur de leur propriété ou une hausse de la circulation. Mais la question du bruit des enfants a aussi été soulevée.

« Nous, on est à peu près 85 % des 400 ou 500 condos qui sommes retraités, on n’a pas d’enfants, on n’a pas de bruit, et là ça va amener un bruit assez important. Est-ce que ç’a été analysé par vous autres ça ? », a demandé Daniel Bouchard, qui estime que le secteur n’a pas besoin de CPE.

Le citoyen a demandé une étude de bruit sur la future garderie. Un représentant de la Ville a indiqué qu’elle pourrait être faite si le projet allait de l’avant. Le promoteur et la Ville attendent toujours le financement de la Société d’habitation du Québec (SHQ).

« Ce n’est pas non plus une cour d’école avec 300 élèves en même temps. Ce sont de petits groupes », a répondu Jérôme Bouchard, conseiller en développement économique à la Ville de Québec.

Des logements sociaux nécessaires

L’initiateur du projet de coopérative trouve « dommage » ces réactions. « Quelqu’un qui habite ce secteur nous a demandé récemment, et ce n’était pas quelqu’un avec de mauvaises intentions, s’il n’y avait pas de place dans le parc industriel pour des CPE… Des CPE dans le parc industriel, c’est une drôle de vision », lâche François Labbé, directeur général de l’organisme La Ruche Vanier.

« C’est la même chose pour le logement social. Pourquoi envoyer des gens qui ont moins d’argent dans des endroits tristes et gris, alors que c’est un coin extraordinaire ? », dit-il. M. Labbé note que de plus en plus de citoyens de Vanier lui disent craindre une éviction. Les logements sociaux sont nécessaires dans le quartier, dit-il. La Ville de Québec a d’ailleurs l’objectif d’en construire 500 par année sur l’ensemble de son territoire.

Le professeur Jean Dubé note que ce type de débats est assez commun autour du logement social. « Ce qui est assez classique, c’est de voir des propriétaires dire qu’on ne veut pas de ces projets, car ça va créer une perte de valeur », dit ce professeur titulaire de l’École d’aménagement du territoire et de développement régional de l’Université Laval.

L’universitaire a toutefois mené une étude récemment pour chercher à voir si l’arrivée de logements sociaux avait une influence négative sur le prix des propriétés autour. Les chercheurs ont analysé les transactions entre 2004 et 2020 à Québec.

« Ce qu’on a démontré, c’est que l’impact était plutôt positif, notamment plus près du centre comme c’est le cas ici à Vanier. En périphérie, c’était différent. Mais au centre de la ville, l’argument de perte de valeur ne tient pas la route », estime-t-il.

La conseillère municipale du district de Vanier-Duberger, qui fait partie de l’opposition, veut maintenant s’assurer que les réserves des citoyens soient entendues si le projet va de l’avant. « Mon travail, c’est que le plus d’irritants possibles soient aplanis », note Alicia Despins.

« Je trouve ça dommage que si des gens ont des préoccupations, on parle tout de suite du syndrome pas dans ma cour. On diabolise. Mais ça se peut que des éléments soient intéressants », dit-elle.

Certains voisins semblent quant à eux voir le projet d’un bon œil. « C’est un beau projet quant à moi, a lancé au micro Roger Thibault. J’ai bénéficié d’une coopérative d’habitation et ça m’a permis de me sortir du trouble. Et des petits enfants partout autour, j’ai pas de problème avec ça. »