Maher Ladhari retient son souffle au téléphone, puis s’excuse « de ne pas pouvoir trouver les mots », après un long silence. « C’est un double drame ici, vous comprenez… Elle était enceinte de quatre mois. C’est difficile de réaliser que c’est lui qui a fait ça », laisse tomber le cousin de Narjess Ben Yedder.

Ce qu’il faut savoir

Narjess Ben Yedder, une femme dans la trentaine, aurait été poignardée à mort par son mari dans leur logement de Pointe-aux-Trembles, à Montréal.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a arrêté l’homme de 42 ans en lien avec ce meurtre. Les autorités devaient le rencontrer dans la journée de vendredi.

Il s’agit du second dossier d’homicide à Montréal cette année. C’est aussi le deuxième féminicide présumé au Québec en 2024.

La femme de 32 ans aurait été tuée par son mari, Mustapha Mechken, vendredi matin dans leur appartement de Pointe-aux-Trembles, à Montréal. L’homme de 42 ans a été arrêté par les autorités le jour même. Il aurait poignardé la victime à plusieurs reprises.

« On est dans l’incompréhension totale. Quel drame », soupire, au bout du fil, M. Ladhari, qui habite en Tunisie.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE NARJESS BEN YEDDER

La victime, Narjess Ben Yedder

Il était très proche de sa cousine, qu’il avait invitée chez lui en Tunisie pour passer des vacances. « On s’est vus il y a deux semaines ! Ils ont passé un mois avec nous ici », explique-t-il à La Presse en entrevue.

La future maman avait informé sa cousine Olfa Ben Yedder – qui habite également en Tunisie – d’une « période difficile » dans la vie de son mari. La victime n’avait jamais mentionné de problèmes de couple ou de violence conjugale. « Elle disait juste qu’il était dépressif. »

Le suspect aurait perdu son emploi

Maher Ladhari ignore ce qui aurait pu pousser le mari de sa cousine à poser un tel geste. « Je sais que ça n’allait pas bien à son travail. Il venait de perdre son emploi », confie M. Ladhari. Toutefois, Mustapha Mechken ne semblait pas inquiet outre mesure de ces soubresauts professionnels.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE MUSTAPHA MECHKEN

Le suspect, Mustapha Mechken

« On ne sait pas pourquoi il a fait ça », répète le cousin. Le couple semblait filer le parfait bonheur, mais personne ne sait ce qui se passait en coulisse. Narjess Ben Yedder envoyait souvent des photos de sa vie quotidienne au Canada à sa famille ou les publiait sur les réseaux sociaux.

Mais certainement que quelque chose n’allait pas, parce que tu ne fais pas un geste comme ça du jour au lendemain. Peut-être qu’il allait mal, mais ne le disait pas. Il devait y avoir un problème.

Maher Ladhari, cousin de la victime, à propos du suspect

Ni la victime ni le suspect ne montrait de signes avant-coureurs, poursuit M. Ladhari. « Mais on habite loin. Il y a sûrement des choses qu’on ne sait pas. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Policiers dans le périmètre de sécurité érigé par le SPVM, vendredi

La famille, dit-il, espère obtenir plus d’informations afin de pouvoir passer à travers cette épreuve.

Mustapha Mechken habite au Québec depuis 10 ans. Le couple s’est marié il y a deux ans, après avoir fait connaissance sur l’internet, selon Maher Ladhari.

PHOTO FOURNIE PAR MAHER LADHARI

La victime et sa famille en Tunisie il y a deux semaines. Son cousin Maher Ladhari est à droite complètement.

Selon une amie de la victime, qui a préféré ne pas être nommée, Narjess Ben Yedder était « une personne géniale, lumineuse et très vivante ». Elle vivait à Montréal depuis deux ans et venait de terminer une formation d’analyse en assurance-qualité au Collège de Bois-de-Boulogne.

M. Mechken travaillait au Complexe Desjardins, mais venait de perdre son emploi, confirme également cette amie.

Un proche de M. Mechken, qui le côtoyait avec un groupe d’amis, est abasourdi. Le suspect n’avait fait part d’aucun problème. « C’est très dur de réaliser que ça s’est produit. Rien ne le laissait présager pour nous. »

« Pas une de plus »

Le drame s’est déroulé dans un appartement de la rue Sherbrooke Est, à l’intersection de l’avenue Yves-Thériault. Les policiers du SPVM sont intervenus vendredi vers 7 h 50, après avoir reçu un appel concernant une femme inconsciente au sol.

Les agents ont tenté de réanimer Narjess Ben Yedder, en vain. L’homme de 42 ans interrogé par le SPVM dans ce dossier, considéré pour le moment comme un possible féminicide, n’a pas d’antécédent judiciaire et n’était pas connu des autorités. Selon nos informations, la police n’est jamais intervenue dans le passé dans le logement où s’est déroulé le drame.

Il s’agit du deuxième féminicide présumé qui survient dans la province en 2024. Chloé Lauzon-Rivard, une femme de 29 ans de Granby, aurait été tuée le 5 janvier dernier par son conjoint, Michaël Dugas-Farcy. Il avait été accusé de meurtre non prémédité peu après.

La tragédie a fait réagir sur la scène politique. « Un autre féminicide est venu secouer Montréal. C’est inacceptable. La violence envers les femmes et les filles doit cesser. J’offre mes condoléances à la famille et aux proches de la victime ainsi qu’à toute la communauté de Pointe-aux-Trembles », a notamment écrit la mairesse Valérie Plante, sur X.

« Qu’est-ce qu’il y a à dire qui n’a pas déjà été répété 1000 fois ? Déjà 2 féminicides au Québec en 2024. À chaque tragédie, on le crie haut et fort : pas une de plus. Et pourtant, encore une fois, il y en a une de plus », a de son côté déploré la députée solidaire de Sainte-Marie–Saint-Jacques, Manon Massé.

Avec la collaboration d’Henri Ouellette-Vézina, La Presse