(Québec) Le conflit qui déchire une municipalité cossue de l’île d’Orléans a des répercussions en haut lieu. La Commission municipale du Québec (CMQ) a ouvert une enquête jeudi sur la crise qui secoue Sainte-Pétronille, tandis que la Fédération des journalistes du Québec (FPJQ) dénonce une tentative d’intimidation des élus contre le journal local.

La municipalité dans la tourmente a quant à elle engagé une grande firme de relations publique pour l’aider à affronter la tempête jeudi, après avoir eu recours à un prestigieux bureau d’avocats pour mettre en demeure le dixième de ses citoyens.

« La direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale a ouvert une enquête », a confirmé David Dusseault, de la CMQ.

Les enquêtes de la CMQ peuvent mener à une audience devant un tribunal administratif ou la Cour supérieure, puis à des sanctions comme la suspension d’un élu ou la conclusion qu’il est inhabile à siéger. Lors de cas graves, la CMQ peut recommander la mise sous tutelle, comme c’est arrivé récemment à Saint-Placide dans les Laurentides.

Rappelons que Sainte-Pétronille a envoyé une mise en demeure juste avant Noël à 97 de ces citoyens, soit près de 10 % de sa population. La municipalité voulait faire taire ces gens, qui avaient appris que la nouvelle directrice générale, Nathalie Paquet, avait été mise à pied par son précédent employeur, Val-des-Lacs.

Les 97 en question avaient signé une lettre au maire et aux membres du conseil pour demander de reconsidérer l’embauche de Mme Paquet. Ils avaient joint à leur missive une lettre envoyée à Mme Paquet par Val-des-Lacs, obtenue en vertu de la Loi d’accès à l’information. Les avocats de Sainte-Pétronille estiment que cette lettre n’aurait jamais dû être publicisée.

Sainte-Pétronille est allée plus loin. La firme d’avocats TCJ, celle-là même qui a mis en demeure les citoyens, a aussi menacé de poursuivre le journal communautaire local et ses journalistes si un article était publié sur la crise qui secoue le village. Le journal Autour de l’île, qui est financé en partie par Sainte-Pétronille, a plié. À ce jour, aucun article sur cette histoire n’a été publié dans ses pages.

« La Fédération des journalistes du Québec dénonce une vulgaire et grossière tentative d’intimidation d’une municipalité à l’endroit de journalistes. Une tentative qu’on peut qualifier de soviétique ou nord-coréenne tellement l’affaire est ridicule », a réagi son président, Éric-Pierre Champagne, jeudi.

Selon nos informations, un article avait été écrit par les journalistes d’Autour de l’île à propos d’une réunion passablement houleuse du conseil municipal en décembre. Mais la direction du journal a plié aux demandes de l’avocat de Sainte-Pétronille. L’article n’a jamais été publié.

« La situation à Sainte-Pétronille est préoccupante », a indiqué jeudi la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest. « La CMQ a ouvert une enquête […] et j’attendrai ses conclusions. »

La municipalité, qui gardait le silence depuis la médiatisation de l’affaire mercredi, est finalement sortie de son mutisme. Le maire a envoyé une réaction jeudi par le biais de la firme TACT, experte en gestion de crise.

« Nous sommes convaincus que les décisions que nous avons prises au cours de la dernière année et qui ont déplu à quelques citoyens étaient les bonnes, écrit le maire de Sainte-Pétronille, Jean Côté. Nous sommes aussi persuadés que le processus d’embauche de notre directrice générale, dont l’intégrité est injustement attaquée, a été mené de façon rigoureuse et diligente. »

Le maire a demandé une enquête du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH) sur la crise qui secoue son village. Dans les faits, le Ministère ne prend pas en charge de telles enquêtes, c’est plutôt la CMQ.

Rappelons que le premier conflit qui a opposé la directrice générale de Sainte-Pétronille et des citoyens concernait la bibliothèque, lorsque 14 bénévoles ont démissionné en bloc en octobre dernier. La Ville avait notamment refusé de rembourser les bouteilles de vin achetées pour le traditionnel souper des bénévoles, comme c’était le cas dans le passé.

Des citoyens irrités par le style de gestion de la nouvelle DG avaient lancé leur propre enquête, et obtenu des détails sur sa fin d’emploi à Val-des-Lacs. Deux séances passablement houleuses du conseil municipal ont eu lieu en novembre et décembre. Lors d’une d’elles, un citoyen a qualifié le maire de « graine de dictateur ».

« Une centaine de personnes qui crient, il y en a un qui vous lance une vacherie comme ça, les autres applaudissent, un citoyen se lève dans la salle pour dire “ça n’a pas d’allure, ce que vous faites”, et il se fait huer… C’est l’anarchie », déplorait le maire Côté en entrevue à La Presse.