« Des personnes l’ont envoyé dans une rivière, dans une chaloupe, quand il ne savait même pas nager. » Au bout du fil, la colère et la douleur du père de Christopher Lavoie, un des deux pompiers portés disparus à Saint-Urbain, sont palpables.

« C’est un pompier volontaire dans le but d’éteindre des feux ou de répondre à des situations d’urgence, mais pas de s’en aller dans une embarcation dans des conditions semblables », s’exclame Davy Lavoie en entrevue avec La Presse. Son fils Christopher, 24 ans, était pompier volontaire depuis un an et demi. « Il adorait ce métier-là », dit-il.

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Christopher Lavoie, 24 ans

Vers 14 h lundi, Christopher et son collègue Régis Lavoie, 55 ans, ont été emportés par les eaux alors qu’ils tentaient d’aider des résidants aux prises avec les inondations à Saint-Urbain, une petite localité située à une demi-heure au nord de Baie-Saint-Paul.

Le père, désemparé, ne peut s’empêcher de se demander comment une telle tragédie a pu se produire. « Il n’y a aucun policier ni même l’armée qui se serait [lancé] dans une rivière semblable », dit-il, la voix chargée d’émotions. « Je comprends l’adrénaline de mon fils, mais à quel point a-t-il été influencé dans ces décisions ? Qui va aller prendre la responsabilité de tout ça ? »

Il sait que les probabilités de retrouver son garçon en vie sont minces. « Il y a très peu de chances qu’il soit accroché après une branche, sans oublier l’hypothermie. »

C’est fort probable qu’il ne reviendra plus. Il est mort en héros.

Davy Lavoie, père de Christopher

Une communauté ébranlée

« Je suis tellement ébranlée. Ce sont des pompiers volontaires. Tout ce qu’ils veulent, c’est aider leurs concitoyens », lâche au bout du fil la mairesse de Saint-Urbain, Claudette Simard.

Celle qui représente la Ville depuis 36 ans, comme conseillère municipale puis mairesse, parle du drame survenu dans la communauté comme d’une situation « sans précédent ». Gonflées par un apport en pluie d’une rare intensité et par la fonte subite de la neige dans les montagnes, les rivières Gros Bras et Petit Bras, deux affluents de la rivière du Gouffre qui traverse Saint-Urbain, sont sorties de leur lit en quelques heures à peine.

Les deux pompiers volontaires ont été surpris par la violence de la nature alors qu’ils prêtaient assistance à des résidants coincés dans leur demeure, explique la mairesse.

« L’eau a monté très rapidement. Sinon, c’est évident [que les pompiers] ne seraient pas allés pour les sortir », décrit Claudette Simard au bout du fil.

Pour combattre les incendies ou intervenir lors de situations d’urgence, des municipalités du Québec ont recours aux pompiers volontaires. Ces citoyens travaillent sur appel et ont généralement une autre occupation. Selon la localité, ils sont rémunérés ou bénévoles et n’ont pas tous la même formation.

« On garde toujours espoir »

Les recherches entamées lundi par la Sûreté du Québec (SQ), avec l’appui des Forces armées canadiennes, se sont poursuivies toute la journée mardi.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Un hélicoptère des Forces armées canadiennes participant aux recherches lundi

Une vingtaine de patrouilleurs à pied et en véhicules tout-terrain (VTT), un hélicoptère, des embarcations, un drone et des plongeurs ont été déployés par le corps policier à cette fin, a indiqué une porte-parole de la SQ, Béatrice d’Orsainville, en conférence de presse aux côtés du ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, à Baie-Saint-Paul.

« On garde toujours espoir, et bien sûr pour les familles, différents scénarios peuvent être envisagés, [mais] en ce moment, on garde espoir quand même », a-t-elle expliqué.

Selon André Bourassa, vice-président par intérim de la Fédération québécoise des intervenants en sécurité incendie, il est possible que des pompiers à travers la province développent des traumatismes à la suite du drame à Saint-Urbain. « Il y a peut-être des pompiers, dans des municipalités très similaires à celle où est survenu l’accident, qui vont avoir très peur maintenant d’intervenir », a-t-il indiqué à La Presse.