(Québec et Ottawa) Aux municipalités qui réclament la création d’un « pacte vert » de 2 milliards par année sur cinq ans pour se doter d’infrastructures adaptées aux changements climatiques, François Legault ferme à nouveau la porte, ajoutant que de nouveaux investissements pour les aider face aux évènements météo extrêmes seront bientôt annoncés.

Avant la période de questions, mardi, le premier ministre a réagi aux fortes pluies qui ont engendré des inondations dans certaines régions du Québec, lundi. Il se rendra d’ailleurs ce mercredi à Baie-Saint-Paul, dans Charlevoix, pour constater l’ampleur des dégâts.

« Le mot d’ordre, c’est sécurité. Ça peut être puissant, l’eau et le courant, quand ça se déchaîne. Il ne faut donc pas prendre de risques inutiles. Il faut s’assurer que tout le monde soit en sécurité et qu’on se tienne loin de ces endroits-là », a-t-il dit.

L’automne dernier, en pleine campagne électorale, les mairesses et les maires des dix plus grandes villes du Québec avaient formé un front commun pour réclamer du gouvernement la création d’un pacte vert de 2 milliards par année sur cinq ans pour les aider à adapter les infrastructures aux changements climatiques.

Face aux inondations qui ont coupé la ville de Baie-Saint-Paul en deux, lundi, mais aussi face à d’autres évènements météo, comme le récent épisode de verglas qui a profondément marqué la région de Montréal, plus tôt ce printemps, le premier ministre Legault a fait savoir que son ministre de l’Environnement annoncera dans les prochains jours des « montants additionnels » pour aider les villes.

Or, Québec n’entend pas mettre en place le « pacte vert » qui lui est réclamé. François Legault a expliqué son refus en raison des sommes déjà allouées à l’adaptation aux changements climatiques (1,2 milliard, financé par différents ministères), précisant que la bonification du plan pour une économie verte de 1,4 milliard consenti au dernier budget servira aussi en partie à cette fin.

Et s’il fallait investir davantage dès maintenant, qui paierait ? François Legault affirme que les contribuables ont déjà un fardeau fiscal élevé, ce qui explique pourquoi il n’est pas en mesure d’accéder à la demande des villes.

« Ce n’est pas illimité, ce qu’on peut ajouter, autant sur la taxe foncière des municipalités que sur les impôts sur le revenu du gouvernement du Québec. […] On va continuer de faire notre part. Les municipalités aussi doivent faire leur part. C’est beau de parler de diversifier les revenus, il reste que c’est toujours le même contribuable qui paie et que les impôts sur le revenu par le gouvernement du Québec sont très élevés », a-t-il dit.

Une réponse jugée insuffisante

Pour le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, des investissements additionnels dès maintenant pour adapter les villes aux changements climatiques permettraient à la province d’économiser au fil des ans, alors qu’il y aurait moins de réparations à faire sur des infrastructures endommagées. En point de presse, mardi, M. Nadeau-Dubois a demandé à Québec de créer un fonds d’urgence climatique.

« Je tends la main au premier ministre François Legault. Je lui demande d’être à l’écoute des demandes, des appels à l’aide des municipalités du Québec qui le disent : les changements climatiques sont commencés. Il faut s’adapter, il faut se préparer. Ça va coûter cher. Aidez-nous. Moi, je pense qu’il faut les aider », a-t-il dit.

Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a lui aussi appuyé la demande des maires des grandes villes du Québec.

« La dernière campagne a été un moment important parce qu’elle a permis de réaliser que certains partis prenaient la question des changements climatiques au sérieux et d’autres faisaient ce que la CAQ fait souvent, c’est-à-dire des demi-mesures. […] On ne voit pas aucun signe d’un gouvernement qui prend ça réellement au sérieux », a-t-il dit.

Pour sa part, le chef par intérim du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, n’est pas allé aussi loin que les autres partis de l’opposition. Selon lui, la redéfinition du pacte fiscal entre le gouvernement et les municipalités est « une belle occasion » de positionner l’adaptation aux changements climatiques comme étant un facteur de dépenses.

Les milliards d’Ottawa insuffisants

À Ottawa, le gouvernement fédéral a lancé en novembre dernier un plan d’action pour l’adaptation aux changements climatiques en même temps que des consultations pour élaborer une stratégie nationale dans le but de coordonner les gestes à poser dans l’ensemble du pays.

« On a déjà investi plus de 5 milliards dans l’adaptation aux changements climatiques, ce qui est du jamais vu au pays, mais on comprend très bien que ce n’est pas suffisant », a reconnu mardi le ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault.

Une large portion de ces sommes sera versée par l’entremise du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes pour les municipalités et les communautés autochtones partout au pays. Par exemple, près de 50 millions ont servi à trois projets dans les Laurentides, dont la reconstruction de la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac après les inondations de 2019.

Les municipalités peuvent faire leurs demandes directement au gouvernement fédéral, mais doivent attendre l’approbation du Conseil des ministres à Québec avant de les obtenir en vertu de la Loi sur le ministère du Conseil exécutif.