(Québec) Le premier ministre dit ignorer le coût estimé du nouveau projet de tunnel de transport collectif dont il fait maintenant un engagement. François Legault a admis mercredi ne pas avoir vu la version non caviardée des études qui le révèlent.

Le premier ministre a fait cette révélation étonnante alors qu’il était talonné par le chef parlementaire de Québec solidaire lors de l’étude des crédits budgétaires du ministère du Conseil exécutif.

Gabriel Nadeau-Dubois lui demandait s’il avait eu accès à la version non caviardée d’une étude sur le troisième lien, dans laquelle se trouvait une estimation sommaire du coût de quatre options différentes, dont celle d’un tunnel 100 % voué au transport en commun.

François Legault a indiqué avoir vu une « version courte » de cette étude qui ne contenait pas de coûts. « J’ai eu le résumé de la ministre des Transports. […] J’aurais pu avoir accès, mais je n’ai pas consulté la version longue et encore moins la version caviardée », a-t-il expliqué mercredi.

« Je n’ai pas vu [les chiffres], c’était dans la version longue que je n’ai pas vue », a indiqué M. Legault.

Son cabinet a confirmé après les crédits qu’une synthèse des études sur le troisième lien a été présentée au premier ministre le 5 avril et que ce résumé ne contenait effectivement pas les coûts estimés des quatre scénarios.

François Legault fait donc de la construction d’un tunnel 100 % voué au transport collectif entre Québec et Lévis un nouvel engagement sans en connaître le coût estimé pour l’instant.

La question du coût a pourtant pesé lourd dans sa décision d’abandonner le projet de tunnel autoroutier – qui aurait frôlé les 10 milliards de dollars. Mardi, il affirmait que « la baisse importante des temps de parcours » ne justifiait plus le projet financièrement.

Il a par ailleurs soutenu mercredi qu’il « ne pourrait dire » si l’estimation de 10 milliards qui a été avancée par la ministre des Transports Geneviève Guilbault la semaine dernière provient de l’étude réalisée par le consortium Union des rives, qui fait une estimation sommaire du coût de projet des quatre options évaluées.

« On le rendra public »

Le premier ministre a refusé la demande de Québec solidaire de rendre publics ces coûts par scénarios. « J’aimerais d’abord qu’on s’assure que ces chiffres-là sont valides […] je ne voudrais pas lancer un débat public sur des chiffres qui ne sont pas validés », a-t-il expliqué.

« Lorsqu’on aura un estimé valable, valide et validé sur le nouveau projet de tunnel Québec-Lévis pour le transport en commun, on le rendra public », a assuré le premier ministre qui a plus tard évoqué « des questions d’éventuelles soumissions » pour le projet.

Autre révélation surprenante : M. Legault a dit ignorer que l’étude, commandée en avril 2022, se penchait sur quatre scénarios, dont celui d’un tunnel entièrement consacré au transport collectif.

Ce qu’on a demandé c’est d’avoir un scénario bitube […] maintenant, est-ce que les gens qui faisaient l’étude ont choisi de regarder d’autres scénarios ? Moi, de mon côté, je n’étais pas au courant.

François Legault, premier ministre du Québec

Des déclarations qui ont fait sursauté le chef solidaire.

« Quand le premier ministre […] en campagne électorale disait que le scénario que le gouvernement envisageait c’était un tunnel […] routier, il ne savait pas que son propre gouvernement avait commandé une étude qui envisageait un scénario 100 % transport en commun », a répondu M. Nadeau-Dubois.

Pas une « promesse brisée », dit Legault

François Legault ne considère pas sa volte-face sur le troisième lien comme « une promesse brisée ». Le ministre Bernard Drainville s’est pourtant excusé aux citoyens de Lévis pour ne pas être en mesure de respecter l’engagement pris en campagne. La ministre Martine Biron a aussi affirmé que le gouvernement n’avait « pas tenu son engagement ».

Selon M. Legault, il s’agit d’une « question d’interprétation ». « La promesse a été faite en fonction d’un certain nombre de données. À partir du moment où les données [sur lesquelles] on se base pour faire une promesse changent, je ne considère pas que c’est une promesse brisée », a-t-il dit.

Par ailleurs, il a répondu par l’affirmative au chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, qui lui demandait s’il faisait de son nouveau projet de tunnel 100 % dédié au transport collectif un engagement aussi « ferme » que celui du lien autoroutier.

« Il y aura un troisième lien de transport en commun », a-t-il affirmé mercredi. M. Legault n’a fourni aucun détail sur l’échéancier d’un futur projet ni sur le moyen de transport collectif qu’il privilégierait.

François Legault a également dévoilé que 28,6 millions ont été investis depuis 2018 dans le bureau de projet du troisième lien, ce qui comprend notamment salaires et honoraires professionnels.