(Québec) L’opposition ne croit pas François Legault quand il dit ignorer le coût estimé de son nouveau projet de lien sous-fluvial réservé au transport en commun entre Québec et Lévis. Le premier ministre, qui est un comptable de formation, manque de rigueur ou se moque de la population, dit-on.

L’épineux dossier du troisième lien dans la région de la capitale nationale colle depuis des jours au gouvernement Legault. Aux points de presse de l’opposition, jeudi, les adversaires de la Coalition avenir Québec (CAQ) ont une fois de plus critiqué M. Legault, qui a affirmé la veille n’avoir vu aucune version non caviardée des études qui détaillent le coût de son nouveau projet de transport collectif.

Selon le député péquiste Joël Arseneau, « soit le premier ministre fait preuve d’un manque de rigueur absolument aberrant, soit il se moque de nous », a-t-il dit.

« Je ne peux pas concevoir que le premier ministre, dans l’exercice de ses fonctions, avec la crise actuelle qui frappe son caucus, [nous dit] qu’il n’a pas fait ses devoirs de base d’aller voir derrière le caviardage […]. Je trouve ça inconcevable », a ajouté M. Arseneau.

Étienne Grandmont, député de Québec solidaire (QS) dans la circonscription de Taschereau, au centre-ville de Québec, doute également de la sincérité de François Legault.

« Je trouve ça absolument renversant. […] Je n’en reviens juste pas. Je ne peux pas croire que le premier ministre du Québec, dans sa rencontre avec son chef de cabinet et Geneviève Guilbault, quand ils ont décidé d’abandonner le troisième lien pour un autre [projet], je ne peux pas croire que la question du coût n’a pas été abordée », a-t-il dit.

Selon Frédéric Beauchemin, du Parti libéral du Québec (PLQ), « on ne peut pas penser faire des promesses sans avoir pris le temps de faire les analyses, pris le temps de faire les calculs [et] d’avoir toutes les données ».

« C’est inquiétant parce que ça démontre une autre chose qui semble être le mode d’affaire de la CAQ depuis un petit bout de temps : c’est un petit peu brouillon », a-t-il dit.

« Moi, je ne le crois pas. […] C’est de l’aveuglement volontaire », a enchaîné sa collègue députée Madwa-Nika Cadet.

La semaine dernière, le gouvernement caquiste a abandonné sa promesse phare dans la région de Québec, soit de construire un troisième lien autoroutier entre la capitale et Lévis, sur la Rive-Sud, en raison d’une baisse de la circulation sur les ponts existants, mais aussi en raison d’une forte poussée des coûts.

Cette promesse brisée a créé une onde de choc dans la région de Chaudière-Appalaches et au sein du caucus caquiste. En plus du maire de Lévis, qui a clairement affiché son mécontentement la semaine dernière, le milieu des affaires de cette région demande à Québec de revoir sa décision.

Legault persiste et signe

De son côté, François Legault a réitéré qu’il ignore le coût estimé de sa nouvelle promesse de tunnel réservé au transport collectif, même si le chiffre se trouve dans une étude rendue publique par son gouvernement tout en étant caviardé.

« Non, je ne le connais pas », a-t-il affirmé lors d’une mêlée de presse avant la période des questions au Salon bleu. Il dit ne pas l’avoir demandé. « Parce que c’est un estimé sommaire », a plaidé le premier ministre. « Et ce que je veux, c’est voir quelle forme va prendre le transport collectif et quel va être le tracé », a-t-il ajouté, parlant d’autobus, d’un métro, « d’un REM comme à Montréal » - donc un train automatisé - ou d’autobus. Quant au tracé, le gouvernement répété que ce sera « centre-ville à centre-ville ».

Il y a également un « risque » à dévoiler un coût estimé, car il y aura éventuellement appel d’offres, a soutenu M. Legault. Il est pourtant courant de chiffrer la facture estimée d’un projet.

« La possibilité » d’un tunnel réservé au transport collectif a été analysée « sommairement » dans les derniers mois, et il faut plus de précisions avant d’avancer un coût. Il fait malgré tout de ce projet un engagement.

Le ministre responsable de Chaudière-Appalaches et député de Lévis, Bernard Drainville, veut que ce projet soit « en réalisation » dès les prochaines élections, en 2026, ce qui impliquerait de le placer sur une voie très rapide rarement vue pour de telles infrastructures.