(Ottawa) « Sarah Jama, vous devez quitter la Chambre. » Pour cause de port de keffieh, le président de l’Assemblée législative ontarienne Ted Arnott a demandé l’expulsion de la députée.

Peut-on parler d’un précédent ? En tout cas, les élus de l’Assemblée nationale du Québec et de la Chambre des communes peuvent toujours l’arborer… jusqu’à preuve du contraire.

L’arbitre des travaux parlementaires à Toronto a tranché il y a quelques jours : interdiction de porter le foulard à carreaux traditionnel du Moyen-Orient.

La députée visée, Sarah Jama, avait déjà été éjectée des rangs des néo-démocrates de l’Ontario.

« Il faut continuer de se battre contre la répression à l’endroit des Palestiniens, et le racisme anti-palestinien dans cette enceinte », a-t-elle déclaré en mêlée de presse dans les couloirs de Queen’s Park.

La députée, faut-il préciser, a refusé de quitter l’enceinte, et elle y est demeurée. Elle n’a cependant pas eu le droit de parole ou de vote.

Sans se porter à sa défense, son ancienne formation, le NPD ontarien, plaide que la province et sa législature « ne devraient pas être un endroit où les tenues culturelles ne sont pas autorisées ».

Le premier ministre ontarien Doug Ford, qui avait exprimé son désaccord face à cette décision, n’a pas voulu en rajouter, jeudi.

« C’est le président [de l’Assemblée législative] qui gère l’Assemblée. C’était son choix », a-t-il dit.

Ottawa et Québec

À Ottawa, quiconque veut porter un keffieh peut le faire.

Des députés néo-démocrates l’arboraient d’ailleurs le 18 mars dernier lors du vote sur une motion concernant la guerre entre Israël et le Hamas.

« Moi, quand je le porte au Parlement, c’est un message de solidarité envers les droits du peuple palestinien qui subit des bombardements », affirme Alexandre Boulerice, chef adjoint de la formation.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Le chef adjoint du NPD, Alexandre Boulerice

Et si le président de la Chambre des communes décidait d’interdire le keffieh, « on protesterait », signale le député de Rosemont–La Petite-Patrie. « Vigoureusement », insiste-t-il.

Pour l’heure, rien de tel n’a été porté à l’attention de la présidence de la Chambre.

« Aucun article du règlement n’établit de norme vestimentaire à l’intention des députés qui participent à un débat », souligne le porte-parole Mathieu Gravel.

« Jusqu’à maintenant, la question du port du keffieh n’a pas été soulevée à la Chambre et donc la présidence n’a pas eu à se prononcer sur celle-ci », ajoute-t-il.

Même son de cloche du côté de l’Assemblée nationale. Le règlement « ne précise pas quelle pièce de vêtement est permise ou non », indique la porte-parole Béatrice Zacharie.

« La question du port du keffieh par des élus dans le cadre des travaux parlementaires à l’Assemblée nationale étant de nature hypothétique, nous ne développerons pas davantage à ce sujet », explique-t-elle.

« [Le keffieh] n’est pas un symbole religieux. Il est culturel et patrimonial », soutient le politologue Sami Aoun en parlant de la pièce de vêtement d’origine bédouine.

« Mais dans l’activisme politique qu’on voit dans nos sociétés […], le keffieh devient un symbole d’un activisme politique, c’est-à-dire réclamer le droit à l’identité palestinienne », estime le professeur.