En 2009, les Canadiens massés par centaines devant le parlement étaient tombés sous le charme de Barack Obama, qui avait choisi le Canada pour sa première visite officielle à l’étranger.

Le président fraîchement élu avait séduit tout le monde en arrêtant au marché By à l’improviste pour acheter une queue de castor et des biscuits en forme de feuille d’érable. Un bel exercice diplomatique.

Le président Joe Biden, lui, a été plus pragmatique. Il est vrai que le Canada est le 19e pays qu’il visite depuis son élection en 2021. Mais son passage à Ottawa aura été des plus fructueux, alors que ce genre de rencontres ne débouche pas toujours sur des actions concrètes.

Rarement a-t-on vu une visite présidentielle faire débloquer autant de problèmes en apparence insolubles, que ce soit le chemin Roxham, la crise en Haïti ou encore certains enjeux reliés aux changements climatiques.

Si les solutions apportées ne règlent pas tout, loin de là, on peut au moins se réjouir d’être sortis de l’immobilisme.

Dans un discours débordant d’optimisme, Joe Biden a flatté le Canada dans le sens du poil, offrant des faveurs à Justin Trudeau, sans rien demander en échange, sans même lui décocher quelques flèches, comme Barack Obama s’était permis de le faire à propos du sous-investissement du Canada en défense.

Il n’y a pas à dire, ces gains politiques arrivent à point nommé pour le gouvernement libéral qui s’embourbe dans le marécage de l’ingérence de la Chine au Canada.

Pour le chemin Roxham aussi, la soupe commençait à être chaude. Bouillante même.

La solution d’appliquer l’entente sur les tiers pays sûrs à l’ensemble de la frontière, ce qui permet au Canada de refouler les demandeurs d’asile tout le long de la frontière, et pas seulement aux postes-frontières officiels, marque la fermeture du chemin Roxham.

C’est ce que réclamait le premier ministre François Legault, en plaidant à juste titre que la capacité d’accueil du Québec était dépassée.

Avec le déplacement des migrants vers d’autres provinces, le fédéral avait donné une portée nationale à cet enjeu. À Niagara Falls, les hôteliers qui hébergeaient les migrants voyaient arriver avec anxiété la saison touristique.

En concluant avec les Américains un accord que personne n’espérait vraiment, le premier ministre Trudeau marque des points, même si l’entente n’est pas une solution miracle.

Il faut savoir que le Canada acceptera désormais 15 000 migrants, ce qui est bien peu en comparaison des quelque 40 000 qui sont arrivés par le chemin Roxham l’an dernier.

La fermeture du chemin découragera peut-être certains migrants de venir au Canada, un pays qui semblait leur ouvrir la porte toute grande. Dans un tweet qui a fait le tour du monde, Justin Trudeau avait encouragé tous « ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre » à venir au Canada, en 2017.

Mais d’autres migrants ne se laisseront pas freiner par le changement de ton : ils passeront simplement ailleurs – notre frontière de près de 9000 kilomètres ne sera jamais hermétique – avec les risques que cela comporte pour leur sécurité.

La migration restera un des grands enjeux des prochaines années, ici comme ailleurs. Mais à court terme, le Canada et les États-Unis ont trouvé un compromis imparfait qui permet de sortir de l’impasse.

Comme nous l’expliquons dans un deuxième éditorial, c’est aussi un compromis raisonnable qui se dessine à propos de la déchirante situation en Haïti, avec des investissements de la part du Canada pour mieux outiller les policiers haïtiens.

La lutte contre les changements climatiques n’est pas non plus un enjeu qu’on peut régler du jour au lendemain. Mais Joe Biden a le grand mérite d’avoir relevé la barre pour l’ensemble de la planète avec l’Inflation Reduction Act (IRA), qui est doté d’une enveloppe gigantesque de près de 400 milliards US sur 10 ans.

En fait, les États-Unis veulent propulser leur économie dans une nouvelle ère, à grands coups de crédits d’impôt et de subventions. Pour le Canada, il s’agit autant d’une occasion que d’un défi.

Une occasion, car les États-Unis veulent bâtir une chaîne d’approvisionnement avec des pays amis, en réponse aux risques géopolitiques mondiaux. La visite de Joe Biden a justement donné lieu à l’annonce d’un investissement de 250 millions à l’usine d’IBM, à Bromont, afin de développer un corridor de production de semi-conducteurs entre le Québec et les États-Unis.

Mais l’IRA pose aussi un défi pour le Québec et le Canada, dont certaines entreprises perdront leur avantage concurrentiel par rapport aux entreprises comparables qui bénéficieront d’une aide gouvernementale substantielle sur le sol américain.

La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a donc beaucoup de pression pour présenter dans son prochain budget une stratégie afin de permettre au Canada de tirer son épingle du jeu, même si elle n’a pas la flexibilité budgétaire pour se lancer dans une surenchère d’aide fiscale tous azimuts.

On verra mardi de quel bois – ou autre énergie propre – elle se chauffe.

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