Leurs problèmes sont aussi les nôtres.

Voilà ce qu’on devrait se dire quand on apprend que 3,5 milliards d’êtres humains vivent désormais dans un environnement « hautement vulnérable au changement climatique ».

L’information provient du rapport publié lundi par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). Ce document représente un (autre) appel criant à l’action. Des technologies à l’argent en passant par le soutien populaire, il montre que nous avons toutes les cartes en main pour limiter les effets les plus graves des changements climatiques. Mais la fenêtre pour agir, elle, rétrécit dangereusement.

Les Québécois et les Canadiens seront peut-être (faussement) soulagés de savoir que parmi les milliards d’êtres humains les plus vulnérables au dérèglement du climat, la plupart se trouvent en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

Ce serait un mauvais réflexe pour trois raisons.

Il y a d’abord une élémentaire question de solidarité. Aujourd’hui, ceux qui ont le moins contribué aux changements climatiques sont ceux qui se font frapper le plus durement par ses conséquences. Cette injustice devrait nous inculquer un sentiment de responsabilité et nous pousser à l’action.

La deuxième raison est qu’on aurait tort de se croire à l’abri. Les conséquences de l’urgence climatique se manifestent aussi chez nous. Parlez-en aux habitants des Îles-de-la-Madeleine qui voient leurs terres se désagréger dans la mer. Ou aux communautés du Nord qui pataugent dans un pergélisol qui dégèle.

Le GIEC nous prévient d’ailleurs que ça ne fait que commencer.

La troisième raison est qu’un évènement récent nous a fait réaliser que nous ne pouvons plus vivre comme si nous étions sur une île isolée des grands problèmes qui secouent le monde.

Cet évènement, c’est l’arrivée massive de migrants par le chemin Roxham.

Roxham nous a montré que la misère du monde peut refouler jusqu’à nos portes. Il nous a fourni une illustration très concrète que tout est connecté et que nous sommes tous dans le même proverbial bateau.

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, ARCHIVES REUTERS

Les migrants arrivant par le chemin Roxham sont un rappel criant des effets de l’urgence climatique.

Ceux qui croient encore qu’on peut ériger des barrières étanches contre les mouvements migratoires font fausse route.

Malgré tous leurs moyens (et des tentatives désespérées comme l’absurde mur rêvé par Donald Trump), les États-Unis ne sont jamais parvenus à endiguer le flot de migrants qui traversent leur frontière de 3000 kilomètres avec le Mexique. Penser qu’avec une population dix fois moindre, le Canada peut sécuriser une frontière trois fois plus longue est irréaliste.

Les migrations climatiques annoncées par le GIEC nous concernent donc directement et nous avons la responsabilité de nous attaquer à leurs causes.

Ces migrations sont d’ailleurs déjà commencées.

Parmi les migrants qui traversent à Roxham, il est difficile de connaître la proportion de ceux qui fuient leur pays à cause de l’urgence climatique, que ce soit directement ou indirectement. Mais dans un reportage intitulé « La grande migration du climat », le New York Times Magazine a montré que c’est le cas de nombre d’entre eux.1

On y documente le cas de familles paysannes d’Amérique centrale qui, devant les sécheresses et les inondations, fuient d’abord vers les villes de leur pays, puis vers le nord, à travers le Mexique et le Texas.

On sait désormais que de tels parcours peuvent mener à Roxham. Bref, qu’une sécheresse au Guatemala peut conduire à une demande d’aide dans une banque alimentaire de Montréal-Nord.

Le dérèglement du climat a déjà compromis l’accès à l’eau et à la nourriture de millions de personnes. Chaque dixième de degré qui s’ajoutera au réchauffement déjà observé en poussera des millions d’autres à rejoindre leurs rangs.

Il faut non seulement aider ces gens à s’adapter aux changements climatiques, mais aussi contribuer à en contrer les causes en prenant nos cibles de réduction au sérieux.

Ce n’est pas seulement un devoir. C’est dans notre propre intérêt.

1 Lisez l’article du New York Times Magazine : « The Great Climate Migration Has Begun » (en anglais, sur abonnement) Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion