Avant la fin de l’année, les visites alternées entre les premiers ministres de France et du Québec reprendront et cette rencontre qui se tiendra à Québec représentera une occasion à saisir. Souhaitons qu’elle marquera le coup d’envoi d’une véritable contre-offensive francophone et internationale.

D’ici le sommet de la Francophonie de Paris prévu en 2024, ensemble, visons à rallier un maximum de pays autour d’un ambitieux Plan d’action pour la « découvrabilité » des contenus locaux francophones, comme l’appelait de ses vœux le chroniqueur Jean-Benoît Nadeau.

Et en parallèle, malgré les échecs de QUB au Québec et de Salto en France, tentons de mettre en place une plateforme qui fédérera les initiatives de partout dans le monde francophone, de l’Afrique au Maghreb, de l’Asie à l’Europe et aux Amériques. À partir de TV5MONDEplus qui regroupe déjà plusieurs chaînes publiques du Nord et qui mériterait d’être beaucoup mieux connue.

Que ce grand ralliement s’effectue pour la cause du plurilinguisme ainsi que du rayonnement du français. L’offre culturelle en français est riche et multiple et c’est, par conséquent, sur la demande qu’il faut travailler pour la rendre attractive. Sur les algorithmes qui remplacent nos libraires et nos disquaires, analysent nos goûts et influencent nos choix, sur les métadonnées qui permettent aux multinationales du web de décider pour nous et qui sont devenues un frein à la découvrabilité.

Nos premiers ministres pourront s’inspirer de la stratégie gagnante élaborée par Lucien Bouchard et Lionel Jospin et utilisée lors du combat pour la diversité culturelle à partir de 1998. En s’appuyant sur les travaux déjà réalisés conjointement par la France et le Québec (rapport remis en 2019), ainsi que sur ceux de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), de l’UNESCO, de l’Union européenne et de l’OCDE.

Tout est en place : l’heure est aux décisions. Il faut conclure et bouger.

Dans notre cas, au Québec, en complémentarité avec le projet de loi C-11 sur le point d’être adopté à Ottawa et en France, en fonction de ce que l’Union européenne a déjà mis en place comme mesures. Ce qui n’empêche ni la France ni le Québec d’assumer leur propre responsabilité et leur propre compétence vis-à-vis du français et de leur culture respective. Et d’agir en conséquence.

En novembre dernier, nous lancions un appel au premier ministre Legault à la veille du sommet de la Francophonie qui allait se tenir à Djerba⁠1.Nous l’incitions à prendre le « leadership pour assurer la pérennité de la langue française au Québec et dans le monde » ainsi que pour la « découvrabilité » des contenus francophones sur les grandes plateformes, essentiellement états-uniennes.

On doit se réjouir des engagements pris alors par le premier ministre du Québec qui fut l’un des chefs d’État les plus présents et actifs à ce sommet.

En juillet 2012, notre Capitale nationale, Québec, accueillait plus de 2000 jeunes francophones de 93 pays, lors du premier Forum mondial de la langue française. Cette idée du visionnaire Abdou Diouf, alors secrétaire général de la Francophonie et mise en œuvre par le diplomate Michel Audet, eut un succès retentissant. L’appel le plus pressant des jeunes concernait l’urgence de produire et rendre accessibles les contenus francophones. La vaste consultation de milliers de jeunes francophones par l’OIF est venue confirmer cette attente à ce jour insatisfaite.

Aujourd’hui, 11 ans plus tard, cette urgence d’agir ensemble, l’OIF l’a enfin bien comprise en célébrant aujourd’hui le 20 mars, Journée internationale de la Francophonie, la richesse des contenus culturels que recèle son espace sous le thème « 321 millions de francophones, des milliards de contenus culturels ! » ⁠2.

Bien sûr, au-delà des chiffres, il y a des faits, des pratiques quotidiennes, des évolutions géopolitiques et géoculturelles lourdes qui doivent nous inciter à agir rapidement.

Une langue ne peut survivre à l’enfermement. Elle ne circule jamais mieux qu’avec ses locuteurs. On ne peut vouloir le rayonnement de la langue française et dans le même temps fermer ses frontières à ceux et celles qui parlent le français, qui étudient en français, qui créent en français, qui font des affaires en français !

Enfin, le rôle de la société civile, réunissant tous les acteurs des écosystèmes culturels dans des coalitions nationales dans une trentaine de pays dont plusieurs francophones, et celui de leur Fédération internationale dont le secrétariat est établi à Montréal, est incontournable et a fait ses preuves.

Sans elles rien ne sera possible. Elles sont au cœur de la solution.

Devant le risque éminent de notre marginalisation, à nous, Québécois et francophones du monde entier, menons une contre-offensive énergique face aux barbares numériques si bien décrits par Alain Saulnier⁠3. Le temps presse.

1. Lisez la lettre « Appel à François Legault pour l’avenir du français dans un monde ultra-connecté » 2. Consultez le site de la Journée internationale de la Francophonie

3. Les barbares numériques, par Alain Saulnier, Écosociété, 2022

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