Une augmentation des prix, une réduction du choix et une diminution des services. Voilà le cocktail que les transporteurs aériens vont bientôt servir aux Canadiens qui ont si hâte de recommencer à voyager après des années pandémiques.

Migraine garantie !

Déjà que voyager est devenu un parcours du combattant avec les retards, les annulations de vols et les bagages qui ne suivent plus. Maintenant, attachez vos ceintures : les prix risquent de décoller, gracieuseté d’Ottawa, qui vient de donner sa bénédiction à la fusion de WestJet et de Sunwing.

En octobre dernier, le Bureau de la concurrence avait pourtant prévenu que la fusion aurait « vraisemblablement des effets anticoncurrentiels considérables ».

C’est que WestJet et Sunwing – deux des quatre plus importants transporteurs aériens et voyagistes au pays – auront 37 % de la capacité de transport sans escale entre le Canada et les destinations soleil. Et même 72 % pour les départs de l’Ouest canadien. De quoi faire la pluie et le beau temps dans l’industrie des voyages dans le Sud.

Il est désolant que le gouvernement fédéral n’ait pas écouté le chien de garde de la concurrence, qui n’a déjà pas les dents bien longues. Une fois de plus, on a la preuve qu’Ottawa favorise la consolidation de l’industrie au lieu de stimuler une saine concurrence dont profiteraient les consommateurs.

Lorsqu’Air Canada avait voulu acquérir Transat, le fédéral avait aussi donné son feu vert, malgré les réticences du Bureau de la concurrence. La transaction a avorté parce que la Commission européenne s’inquiétait de la trop forte concentration sur certaines liaisons outre-mer.

C’est quand même ironique que les Canadiens soient protégés par les organismes de réglementation étrangers qui ont plus de mordant. Pas juste en Europe. Aux États-Unis aussi. Début mars, l’administration Biden ne s’est pas gênée pour bloquer l’acquisition par JetBlue de son concurrent Spirit Airlines, qui dépoussière l’industrie avec son modèle à très faibles coûts.

Mais au Canada, contrée bénie des oligopoles, l’État reste les bras croisés. Tant pis pour les passagers qui paient le gros prix.

En fait, nos tarifs sont parmi les moins concurrentiels au monde, selon une étude réalisée avant la pandémie par le Forum économique mondial. Le Canada s’y classait en 97position sur 136 pays⁠1. La situation ne s’est certainement pas améliorée, car les prix ont monté de 28 % depuis la pandémie, selon RBC.

Des prix plus élevés pourraient être justifiés pour lutter contre les GES s’ils résultaient d’une écotaxe prévue à cet effet, mais pas d’un oligopole qui exagère.

Au lieu de fermer les yeux sur la fusion des acteurs dominants, Ottawa devrait donc favoriser l’apparition d’acteurs émergents, qui sont nombreux à s’être cassé les dents au fil des ans. On pense à Nationair, JetsGo ou encore CanJet à qui Air Canada avait livré une féroce guerre de prix. Le Bureau de la concurrence l’avait d’ailleurs rabroué… trop tard. CanJet avait déclaré forfait.

Aujourd’hui, c’est au tour de Flair Airlines d’être dans le pétrin, avec quatre avions saisis à cause d’une bisbille financière.

Lueur d’espoir : Porter Aviation a annoncé à la fin de février un partenariat avec l’aéroport Saint-Hubert de Montréal pour développer un nouveau terminal avec une capacité annuelle de quatre millions de passagers. Une piste intéressante alors que les acteurs dominants monopolisent les meilleurs créneaux dans les grands aéroports.

Mais la concurrence pourrait venir aussi du côté ferroviaire. L’Europe l’a compris : elle interdira les vols lorsqu’il existe une option en train de moins de 2 h 30, comme Paris-Bordeaux, Nantes ou Lyon. Pendant ce temps, au Canada, on hésite encore à développer un train à grande vitesse entre Québec et Toronto qui ferait une véritable concurrence à l’avion.

Dans l’industrie du transport, on dirait qu’Ottawa navigue toujours à vue, sans plan de vol. On l’a vu avec la gestion du remboursement des vols annulés à cause de la pandémie, la saga des passeports et la reprise chaotique du trafic dans les aéroports.

De grâce, un peu de vision.

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