Les affiches de la CAQ pour l’élection partielle dans Saint-Henri–Sainte-Anne laissent très peu de doute sur les intentions du gouvernement. On y voit François Legault, tout sourire, au-dessus du slogan : « Des baisses d’impôt dès 2023. »

Mais le slogan de la Coalition avenir Québec (CAQ) pourrait aussi bien être : Au diable la dépense !

L’an dernier, la CAQ a offert trois séries de chèques d’une valeur totale de 7,5 milliards et présenté plusieurs autres mesures pour lutter contre l’inflation. Le soutien offert au Québec pour le coût de la vie a atteint 1,8 % du PIB, plus de trois fois celui offert dans les autres provinces, détaille le Bilan de la fiscalité au Québec1.

Dans son prochain budget le 21 mars, on aimerait donc que le ministre des Finances, Eric Girard, fasse preuve de retenue et mette en veilleuse sa promesse de baisser les impôts des particuliers, un engagement qui coûterait 1,7 milliard par année.

Bien sûr, on voudrait tous payer moins d’impôt. Après tout, le poids de la fiscalité est très lourd au Québec. Plus lourd qu’il ne l’a jamais été depuis 2000. Plus lourd que n’importe où ailleurs en Amérique du Nord.

Mais on ne peut pas réduire les impôts de manière permanente alors que le budget du Québec reste dans le rouge. Et on ne peut pas financer cette baisse avec une réduction des versements au Fonds des générations, comme l’envisage la CAQ.

Des baisses d’impôt sur la carte de crédit, non merci ! C’est irresponsable. Et inéquitable envers les jeunes.

Commençons par faire le ménage de nos finances publiques, par réparer nos infrastructures qui tombent en ruine, par livrer des services publics à la hauteur des attentes des Québécois… et on verra après pour l’allégement fiscal.

La soupe avant le dessert !

Depuis son arrivée au pouvoir, la CAQ a eu le vent dans le dos, grâce à la vigueur de l’économie et à l’inflation qui ont garni ses coffres au-delà des attentes. Mais la CAQ a dépensé allégrement cette manne.

De 2018-2019 à 2021-2022, les dépenses de programmes par habitant ont gonflé de 27 % au Québec, indique l’avis prébudgétaire de l’Association des économistes québécois2.

C’est plus que le double de la hausse des dépenses en Ontario (11 %) avec lequel le gouvernement Legault aime tant se comparer. Et c’est largement supérieur à la croissance moyenne des provinces (17 %).

Quand on regarde 30 ans en arrière, on réalise que le Québec n’a jamais été aussi dépensier, par rapport aux autres provinces.

Aujourd’hui, nos dépenses par habitant sont 13 % au-dessus de la moyenne des provinces, alors qu’elles étaient autour de 4 % au-dessus de la moyenne les années avant que la CAQ prenne le gouvernail.

Bref, la CAQ a beaucoup étiré l’élastique des dépenses publiques, ce qui est pour le moins étonnant de la part d’un gouvernement dirigé par des comptables qui se targue d’être le parti de l’économie.

Pendant ce temps, le Québec reste l’une des provinces les plus endettées, malgré les efforts qui ont permis de réduire notre dette de façon marquée, il faut le souligner.

Si on poursuit sur ce bel élan, la dette nette du Québec qui représente actuellement 38,1 % du PIB pourrait revenir assez facilement vers la moyenne canadienne de 31,3 %

Or, des simulations du Conference Board indiquent que les baisses d’impôt envisagées par la CAQ augmenteraient le ratio d’endettement du Québec de façon marquée et mettraient en péril le rattrapage de la moyenne canadienne, comme le souligne le mémoire prébudgétaire de l’Institut du Québec3.

Est-ce vraiment ce qu’on veut léguer aux générations qui nous suivent ? Non ! Surtout que notre ratio d’endettement officiel ne dit pas tout.

À la grandeur de la province, le déficit d’entretien de nos infrastructures s’élève à 30 milliards, un montant qui a doublé depuis sept ans.

Ce ne sont pas seulement nos routes qui ont besoin d’amour. Pensez seulement aux écoles, dont 60 % sont dans un état lamentable, selon le dernier Plan québécois des infrastructures.

Il s’agit d’une dette cachée qui est refilée aux générations futures.

Ici, deux observations s’imposent.

D’abord, il faut mettre la pédale au fond sur l’entretien des infrastructures existantes, avant de lancer de nouveaux projets, même si cette dernière option est plus payante politiquement.

Ensuite, il faut intégrer le déficit d’entretien de nos infrastructures dans notre objectif global de réduction de la dette.

Ça tombe bien : nous sommes mûrs pour une modernisation de la Loi sur l’équilibre budgétaire et de la Loi sur la réduction de la dette et instituant le Fonds des générations.

Alors donnons-nous une cible de retour rapide à l’équilibre budgétaire.

Fixons-nous un nouvel objectif de réduction de la dette en incluant le déficit d’infrastructure.

Et établissons de nouveaux paramètres pour le Fonds des générations qui pourrait éventuellement servir à la lutte contre les changements climatiques ou d’autres utilisations qui prendraient en considération l’équité intergénérationnelle, l’objectif même de la création de ce fonds.

Mais certainement pas à financer des baisses d’impôt.

1. Consultez le Bilan de la fiscalité au Québec de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques 2. Consultez l’avis prébudgétaire de l’Association des économistes québécois 3. Consultez le mémoire prébudgétaire de l’Institut du Québec Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion