Deux évènements sont venus rappeler cette semaine à quel point le Québec dort au gaz dans sa gestion du gaz naturel.

Le premier est cette histoire à se cogner la tête sur les murs rapportée par notre collègue Philippe Teisceira-Lessard concernant le « brûleur » à neige de la Place Versailles1.

Le deuxième est une décision de la Régie de l’énergie portant sur le programme biénergie conçu par Hydro-Québec et Énergir. Elle vient rappeler que la province commet un dangereux précédent en dédommageant un distributeur de combustibles fossiles pour l’inévitable transition énergétique qui est en cours.

À travers ce sombre portrait, la Ville de Montréal fait briller une lueur d’espoir en montrant du leadership là où Québec en manque.

Examinons ces nombreux développements.

Brûler du gaz naturel… pour faire fondre la neige du stationnement d’un centre commercial.

La Place Versailles aurait voulu trouver un symbole plus flagrant de notre laxisme envers les combustibles fossiles qu’elle n’aurait pas réussi.

Il existe pourtant une technique infaillible et non polluante pour faire fondre la neige : attendre le printemps. Mais la Place Versailles préfère pousser sa neige au fond d’une « piscine creusée » équipée de turbines à gaz. Celles-ci génèrent de la chaleur pour faire fondre la neige… mais aussi du CO2 qui réchauffe l’atmosphère.

Le pire est que l’endroit a obtenu un certificat d’autorisation du ministère de l’Environnement du Québec pour installer son fondeur à neige. Ce certificat date de 2003, alors qu’on ne tenait pas compte des émissions de GES pour délivrer de tels documents. Autre aberration, il ne comporte aucune échéance.

Tout indique que l’endroit pourra donc continuer à « brûler » sa neige indéfiniment.

C’est symptomatique d’un manque de vision et de volonté.

Parce qu’au gouvernement Legault, personne n’a le courage de resserrer le robinet du gaz naturel de façon convaincante.

Le Plan pour une économie verte de la CAQ prévoit bien une réduction des émissions des bâtiments de 50 % d’ici 2030. Mais avec les émissions du secteur des transports qui grimpent au lieu de diminuer, il faudrait en faire beaucoup plus dans le bâtiment pour nous rapprocher de nos cibles climatiques.

L’objectif est donc trop timide. Et les moyens pour l’atteindre, discutables.

Encore aujourd’hui, au royaume de l’électricité, on permet à de nouveaux bâtiments de se raccorder au réseau de gaz.

Quant aux bâtiments existants, on mise sur des demi-mesures. Le programme biénergie permet aux particuliers d’installer un système de chauffage électrique… mais en conservant leur chaudière au gaz. Et on permet à celle-ci de répondre à 30 % des besoins, bien au-delà de ce qui est requis pour les pointes hivernales. Nous avons déjà émis d’importantes réserves envers ce programme2.

Le plus choquant est que l’entente prévoit le versement de sommes par Hydro-Québec à Énergir pour compenser la baisse des ventes de gaz de ce dernier.

Mercredi, la Régie de l’énergie a statué que cette compensation ne devait pas faire grimper tarifs d’électricité. C’est logique : ce n’est pas aux consommateurs d’électricité d’éponger les pertes de marché d’Énergir.

Malgré cela, Hydro-Québec versera ces dédommagements à Énergir en puisant dans ses propres coffres jusqu’en 2025. Pensons-y un instant. Un producteur d’énergie renouvelable, public de surcroît, compense les pertes d’un distributeur privé de carburants fossiles.

C’est aussi indéfendable que si on demandait aux constructeurs de voitures électriques de dédommager les stations-service pour la baisse des ventes de carburant. La transition énergétique fera des gagnants et des perdants. On ne pourra pas dédommager tous les perdants.

À travers ces nouvelles décourageantes, une administration affiche une réelle volonté d’agir pour réduire la consommation de gaz naturel : la Ville de Montréal.

En mars 2022, la Ville a adopté une feuille de route en ce sens.

La semaine dernière, la Commission sur l’eau, l’environnement, le développement durable et les grands parcs a publié son rapport sur la question. Les recommandations sont ambitieuses.

On propose notamment d’interdire tout raccordement de nouveaux bâtiments au réseau de gaz naturel et de limiter l’utilisation du gaz à 15 % dans le cas de la biénergie.

La commission va même jusqu’à proposer l’interdiction des nouvelles cuisinières au gaz – une recommandation qui nous semble aller très loin et que la Ville accueille avec prudence, voulant consulter les restaurateurs.

Mais contrairement à ce qui se passe à Québec, on sent du leadership à Montréal. Et ça fait du bien.

1. Lisez l’article « La Place Versailles “brûle” la neige de son stationnement » 2. Lisez l’éditorial « Décarboner les bâtiments. Pour vrai » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion