Chauffer à l’électricité la plupart du temps… et au gaz naturel quand il fait très froid.

C’est l’idée que propose Hydro-Québec à des dizaines de milliers de clients actuellement branchés au réseau d’Énergir.

Or, cette solution est contestée devant la Régie de l’énergie par une pléiade de groupes environnementaux et de regroupements industriels.

Tant mieux.

Parce qu’avant de se lancer dans l’aventure de la biénergie, il faut absolument s’assurer qu’il s’agit de la meilleure option à la fois pour les consommateurs et pour l’atteinte de nos cibles environnementales.

C’est très loin d’être clair dans les deux cas.

Pour l’environnement, la biénergie a un bémol évident : on continue de brûler du gaz émetteur de GES.

Hydro-Québec affirme que cela est essentiel pour gérer la pointe hivernale, pendant laquelle les besoins en puissance explosent. Le Québec doit alors importer de l’électricité. Et cette électricité provient souvent de sources polluantes.

Convertir l’ensemble des systèmes à gaz naturel en solutions 100 % électriques solliciterait encore plus le réseau.

C’est indiscutable.

Il est aussi vrai que la biénergie ne conduit pas à un cul-de-sac qui « verrouille » les options. On ne parle pas ici de construire de nouvelles infrastructures pour les combustibles fossiles, mais d’utiliser celles qui existent déjà.

Ceux qui ont un système biénergie pourront éventuellement fermer le robinet du gaz et continuer entièrement à l’électrique.

La question qu’on doit se poser, toutefois, c’est : pourquoi attendre ? Le Québec s’est engagé à devenir carboneutre en 2050. La pointe hivernale, nous devrons un jour la gérer sans la béquille des combustibles fossiles. Pourquoi ne pas s’y attaquer dès maintenant ?

C’est d’autant plus vrai que la province est sérieusement en retard par rapport à sa cible de réduction de 2030. Les émissions du secteur des transports, le plus gros émetteur, grimpent au lieu de descendre. Cela veut dire une chose : d’autres secteurs devront faire plus que leur part.

Le secteur des bâtiments, qui compte pour 10 % des émissions du Québec, présente une solution connue et maîtrisée pour décarboner : l’électrification.

Oui, cela vient avec des défis. Mais personne n’a dit que la transition énergétique serait facile.

Cette semaine, une étude d’Écohabitation a montré qu’il existe une solution de rechange à la biénergie : l’installation d’une thermopompe couplée à un accumulateur de chaleur dans les maisons.

La thermopompe est un appareil extrêmement efficace, les meilleurs modèles pouvant extraire la chaleur de l’air extérieur même quand celui-ci est à -25 °C pour l’acheminer à l’intérieur.

L’accumulateur de chaleur, lui, emmagasine la chaleur dans des briques et peut la rediffuser plus tard. Il s’agit d’une autre façon d’adoucir la pointe. On ne parle pas ici d’un prototype dans un garage. Hydro-Québec a elle-même contribué à développer un accumulateur de chaleur et offre des subventions de 10 000 $ pour son installation.

L’étude d’Écohabitation montre que pour les citoyens, l’option thermopompe avec accumulateur de chaleur pourrait s’avérer moins chère à l’utilisation que la biénergie.

Vrai, les coûts initiaux sont supérieurs. Mais rappelons que le Fonds vert peine à financer des initiatives qui réduisent vraiment les GES. En voilà une qui fonctionnerait.

On ne dit pas que les accumulateurs de chaleur sont parfaits. Mais au nombre d’experts qui les soutiennent, on aurait intérêt à étudier la chose sérieusement. Les citoyens qui changent leur système de chauffage ne voudront pas recommencer dans dix ans.

Terminons avec l’aspect le plus choquant du programme de biénergie. Son implantation ferait évidemment en sorte qu’Énergir vendrait moins de gaz naturel. Ces pertes, Hydro-Québec, magnanime, propose de les compenser. La facture pourrait atteindre 2,4 milliards d’ici 2050.

Qui paierait ? Les clients d’Hydro par l’entremise des hausses de tarif.

Vous avez bien lu : les utilisateurs d’énergie propre paieraient le distributeur d’énergie polluante parce qu’il perd des parts de marché avec la transition énergétique. Les consommateurs industriels d’électricité l’ont en travers de la gorge. On les comprend.

À elle seule, cette clause prouve la nécessité de réexaminer en profondeur l’idée de la biénergie.

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