Ce n’est pas normal que notre électricité soit gérée dans le noir. Que les tarifs d’Hydro-Québec soient établis de façon discrétionnaire, sans critères établis et transparents.

Malheureusement, Québec s’apprête à ouvrir encore plus grand la porte de l’arbitraire avec son projet de loi 2 qui fixera les règles du jeu pour les gros clients industriels et qui plafonnera la hausse des tarifs résidentiels.

Pour comprendre le problème, il faut revenir en 2019, lorsque la Coalition avenir Québec (CAQ) a eu la mauvaise idée d’arrimer les tarifs résidentiels à l’inflation, au lieu de laisser à la Régie de l’énergie le soin d’établir une augmentation raisonnable, en fonction des coûts d’Hydro-Québec.

L’objectif était de simplifier le processus. Mais c’était écrit dans le ciel que ça tournerait au vinaigre. Comme de fait, le gouvernement est maintenant obligé de plafonner à 3 % la hausse du tarif qui aurait atteint 6,4 % cette année, avec l’inflation galopante.

Mais pourquoi 3 % ? Pourquoi pas 2 % ou 4 % ? Ou zéro ? Le gouvernement explique qu’il s’agit du haut de la fourchette de maîtrise de l’inflation de la Banque du Canada. Franchement, c’est du n’importe quoi. C’est de la gestion sur le coin de la table.

Ce n’est pas aux politiciens de déterminer la hausse des tarifs d’électricité, mais à la Régie de l’énergie de faire l’exercice, à intervalle de 2 ou 3 ans, plutôt que chaque année comme auparavant, afin d’alléger la tâche.

Mais le règne de l’arbitraire ne s’arrête pas au résidentiel. Il touche aussi les clients industriels qui sont devenus trop nombreux pour qu’on puisse les satisfaire tous. Les nouveaux projets sur la table sont si nombreux qu’il faudrait construire l’équivalent de 13 complexes comme celui de la rivière Romaine pour répondre à la demande.

Comme ce n’est pas réaliste, Québec va plutôt permettre à Hydro-Québec de refuser de fournir de l’électricité à certains projets qui exigent une grande puissance (cinq mégawatts). Au lieu du premier arrivé, premier servi, la nouvelle formule permettra de sélectionner les projets les plus porteurs pour le Québec.

Fort bien.

Sauf que le projet de loi 2 prévoit que les projets gagnants seront déterminés sur le bureau du ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, en vertu de critères qui restent à préciser.

Comment va-t-on trancher ? En fonction du nombre d’emplois créés ? De la réduction des GES ? Favorisera-t-on la filière batterie, si chère à la CAQ, même si elle alimente le flot de voitures sur les routes ? Ira-t-on plutôt du côté de l’acier vert ou d’autres projets industriels durables ?

On a besoin de plus de transparence. De critères précis et mesurables. Et le ministre devrait être tenu de divulguer les justifications de chacune de ces décisions. C’est une question de saine gouvernance.

Autrement, le public aura l’impression que le ministre Pierre Fitzgibbon peut agir comme Jules César, qui décidait de la vie ou de la mort d’un gladiateur d’un geste du pouce.

Mais rendons à César ce qui revient à César. La CAQ est très bien avisée de préparer une commission publique sur l’avenir énergétique du Québec, le printemps prochain.

Des foules de questions se posent dans la mesure où le projet de loi 2 que la CAQ pilote en ce moment n’est qu’un amuse-gueule qui mettra la table d’une réforme beaucoup plus vaste.

Une piste de réflexion : dans la mesure où Hydro-Québec refuse désormais des clients industriels, devrait-on ouvrir le marché à la concurrence ? Si le monopole d’État n’est plus en mesure de répondre à tous, pourquoi empêcher les fournisseurs privés d’électricité durable de le faire à sa place ?

Mais encore faut-il que cette consultation ne soit pas qu’un spectacle pour faire bonne figure dans l’opinion publique et, qu’une fois les lumières éteintes, on continue de gérer dans le noir.

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