La neige continue d’étendre son manteau blanc au Québec et les skieurs ont un fun noir. Mais lorsque les stations de ski pensent à leur avenir, elles s’inquiètent.

Il y a quelques semaines, les photos de nombreuses stations de ski européennes en manque de neige ont fait le tour du monde. Avec les changements climatiques, leur survie est menacée. Ça saute aux yeux.

Les stations de ski du Québec ne sont pas aussi vulnérables. Mais leurs propriétaires viennent néanmoins de sonner l’alarme. Et ils réclament l’aide de Québec.

Ici aussi, les températures se réchauffent. La neige se fera plus rare et la pluie plus fréquente.

D’ailleurs, la plus récente période des Fêtes a laissé un goût amer aux exploitants de stations de ski. La neige n’était pas au rendez-vous autant qu’ils l’auraient souhaité.

« Je peux vous dire que les chalets étaient pleins, mais c’est les salles de quilles et les cinémas qui avaient du monde. Pas nous autres », nous a expliqué le PDG de l’Association des stations de ski du Québec, Yves Juneau.

Ouranos, le consortium québécois sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques, a publié un rapport au sujet du secteur du ski alpin il y a quatre ans.

On y expliquait que la nouvelle réalité climatique représente le « plus important défi » de l’histoire de l’industrie du ski.

Selon les prédictions de cette organisation, on skiera encore en 2050 au Québec. Mais si les stations ne trouvent pas des façons de s’adapter aux changements, « l’ouverture, la durée de la saison et le pourcentage du domaine skiable ouvert seront affectés ».

Dans ce rapport, Ouranos braque davantage ses projecteurs sur les stations de ski des Cantons-de-l’Est. Dans leurs cas, le début de la saison va accuser un retard de 7 à 10 jours en 2050 (par rapport à 2020). Et il y aura 10 à 20 jours de ski de moins sur la saison complète.

Mais ne croyez pas que les autres régions sont à l’abri. Toutes les stations seront affectées d’une façon ou d’une autre par les changements climatiques.

Une étude préparée pour l’Association des stations de ski du Québec en décembre dernier indique que le nombre moyen de jours sous le point de congélation aura chuté partout au Québec en 2050. C’est en Gaspésie (21 jours de moins qu’à l’heure actuelle) et dans le Bas-Saint-Laurent (20 jours de moins) que la perte sera la plus prononcée.

La solution ? Celle que privilégient par-dessus tout les stations de ski, à l’heure actuelle, c’est l’achat de canons à neige plus performants. Elles pourraient alors produire de la neige à une température plus élevée qu’avec de l’équipement qui, dans certains cas, date des années 1980. Des économies substantielles d’électricité sont aussi prévues.

C’est la raison pour laquelle les 31 stations de ski privées de la province souhaitent obtenir 65 millions de dollars de la part de Québec.

Le ministère de l’Économie et celui du Tourisme sont actuellement en train d’évaluer la demande.

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Canons à neige en action sur le mont Saint-Bruno en 2018

Ce S.O.S. est certainement plus légitime que celui lancé par le gestionnaire du Mont-Sainte-Anne, Resorts of the Canadian Rockies. Ce dernier réclame à Québec 50 millions pour mettre à jour les infrastructures de la station qu’il néglige depuis des années, comme nous l’avons déjà déploré1.

Il reste que le ministre Fitzgibbon, qui s’est exprimé sur la question vendredi, a raison de refuser d’offrir des dizaines de millions aux stations de ski privées « sans partage de risque ». Celles-ci doivent aussi investir pour s’adapter aux changements climatiques.

Il a raison de dire, aussi, qu’il est important d’examiner ce que ces investissements vont pouvoir rapporter en termes de retombées pour chacune des stations.

Ce qu’il ne faudrait pas oublier, non plus, c’est que se doter de nouveaux canons à neige plus performants, c’est aussi pratiquer la fuite en avant.

Le plus fondamental, ça demeure de limiter la hausse de la température mondiale assez rapidement.

Au Québec, comme ailleurs au pays, nous n’avons jamais eu le courage de nos ambitions en ce qui concerne la lutte contre changements climatiques.

La disparition graduelle de notre or blanc est un rappel à l’ordre.

Un rappel « qu’on ne négocie pas avec l’environnement », comme l’a souligné le chercheur Hugo Séguin dans son pertinent essai Lettre aux écolos impatients et à ceux qui trouvent qu’ils exagèrent.

Lisez le rapport d’Ouranos sur le ski alpin au Québec 1. Lisez notre éditorial au sujet du Mont-Sainte-Anne Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion