Il n’y a pas de bonnes solutions à la crise ukrainienne. Mais il y en a des mauvaises. Ne pas armer le pays de Volodymyr Zelensky à la hauteur du défi qu’il doit surmonter en serait une.

C’est pourquoi il est encourageant de voir qu’on commence à se concerter pour expédier un nombre suffisant de chars de combat en Ukraine.

Le Canada figurait parmi les alliés occidentaux qui ont fait pression sur l’Allemagne pour la convaincre de donner le feu vert à la livraison de chars lourds Leopard 2, qu’elle produit. Il faut s’en féliciter.

Le gouvernement canadien dit aussi qu’il évalue s’il est en mesure de livrer lui-même des Leopard 2 à l’Ukraine. Ça, par contre, il faut s’en méfier.

Commençons par récapituler tout ce qui vient de changer en l’espace de 24 heures.

Le gouvernement allemand a annoncé qu’il allait expédier en Ukraine 14 chars Leopard 2. Il a aussi fait savoir qu’il autorisait ses alliés qui en possèdent à en livrer aux militaires ukrainiens.

D’autres pays comme la Pologne et la Finlande avaient déjà manifesté leur intérêt. Ça signifie que d’autres annonces devraient suivre.

Parallèlement, le président américain Joe Biden a annoncé l’envoi de 31 chars Abrams à l’Ukraine.

Comme l’Allemagne, les États-Unis ont longtemps tergiversé. Avant de se rendre à l’évidence : le courage et la bravoure des Ukrainiens ne suffiront pas pour vaincre les forces russes.

Et le Canada ?

Justin Trudeau a dit ne pas avoir d’annonce à faire pour l’instant. Il espère « en avoir plus à partager dans les prochains jours ». Une source gouvernementale a toutefois indiqué à notre journaliste Mélanie Marquis que le Canada pourrait être tenté de livrer « moins de 10 chars » à l’Ukraine.

Mais disons-le : il y a de quoi être sceptique quant à l’idée d’envoyer nos propres chars Leopard 2.

Il faut savoir qu’un tel don pourrait « compromettre l’entraînement et la capacité opérationnelle des Forces armées canadiennes, étant donné le nombre très limité que notre pays possède », selon la Conférence des associations de la défense du Canada.

L’armée canadienne dispose de 112 chars de type Leopard 2. À Ottawa, on précise que 82 sont des chars de combat. Il y a aussi 30 véhicules « de génie et de dépannage pour fournir un soutien à la mobilité de la flotte de véhicules de combat ». Au total, seuls 40 seraient prêts à être utilisés sur le terrain immédiatement.

Or, il y a plus de 2000 chars Leopard 2 répartis dans divers pays européens actuellement, dont 247 uniquement en Pologne, voisine de l’Ukraine. Et plus de 300 en Allemagne, mais aussi en Grèce et en Espagne.

D’autres pays sont donc mieux placés que nous pour répondre à cette requête. À la fois en raison de leur proximité et parce qu’ils n’auraient pas à affaiblir leur capacité de défense.

Offrir quelques dizaines de chars de combat ne sera pas non plus très douloureux pour les États-Unis. Ils possèdent plusieurs milliers de chars M1 Abrams.

Le Canada a déjà offert pour des centaines de millions de dollars d’équipement militaire à l’Ukraine.

Seulement que depuis le début du mois de janvier 2023, Ottawa a annoncé l’envoi de 200 véhicules blindés de transport de troupes et d’un système de défense antiaérienne. Ce système sera acheté aux États-Unis, parce qu’il n’y en a même pas, ici, pour nos soldats.

On touche ici au cœur du problème.

Après des années de sous-investissement en défense, le Canada est bien mal outillé. Sa marge de manœuvre est pratiquement nulle. Et il n’arrive même pas à moderniser son propre équipement dans des délais raisonnables.

S’il donnait ses chars de combat à l’Ukraine, dans combien d’années parviendrait-on à les remplacer ?

Une éternité, si on se fie, entre autres, à la valse-hésitation quant au remplacement de nos avions de chasse.

Le gouvernement canadien aurait donc tout avantage à offrir autre chose que ses chars à l’Ukraine, qui a aussi d’autres besoins. À moins qu’il puisse garantir que, par miracle, il pourrait les remplacer prestement !

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