(Ottawa) Le Canada puise dans ses stocks pour faire don de quatre de ses chars Leopard 2 à l’Ukraine. Il s’agit de sa contribution aux renforts promis par la coalition occidentale pour contrer l’offensive russe.

Ce qu’il faut savoir

  • Le Canada donnera quatre chars Leopard 2 à l’Ukraine.
  • L’Allemagne et les États-Unis ont annoncé mercredi la livraison de chars lourds à l’Ukraine.
  • Volodymyr Zelensky a salué la décision, mais réclame aussi des missiles de longue portée et des avions de combat.
  • Pour le secrétaire général de l’OTAN, les chars lourds « peuvent aider l’Ukraine à se défendre, à vaincre et à l’emporter en tant que nation indépendante ».

Quatre chars Leopard 2A4 « prêts au combat » seront expédiés « dans les prochaines semaines », et avec les autres chars que d’autres pays occidentaux livreront également, ils permettront à l’Ukraine « de libérer encore plus de son territoire », a annoncé jeudi la ministre de la Défense nationale, Anita Anand.

« Ce n’est pas juste symbolique », a-t-elle déclaré en conférence de presse au parlement au moment où elle a été invitée à commenter le nombre relativement peu élevé de chars qui prendront le chemin de l’Ukraine, avec des munitions et des pièces de rechange.

« Nous devons nous assurer de pouvoir livrer [les chars] dans le court terme », a-t-elle aussi argué.

Il n’est pas exclu qu’Ottawa envoie d’autres Leopard à l’avenir, a également insisté la ministre, sans toutefois préciser quelle était la marge de manœuvre du Canada, qui doit s’assurer de maintenir sa propre capacité militaire et de respecter ses engagements envers l’OTAN.

PHOTO SPENCER COLBY, LA PRESSE CANADIENNE

La ministre de la Défense nationale du Canada, Anita Anand, en conférence de presse jeudi

À ses côtés, le chef d’état-major de la Défense, Wayne Eyre, a précisé que ce n’était pas chose facile d’envoyer par avion des chars de 62 tonnes de l’autre côté de l’Atlantique. Et le Canada n’a par ailleurs pas un parc comparable à celui des Européens, qui en possèdent « plusieurs milliers », a-t-il enchaîné.

Le Canada possède au total 112 chars Leopard 2 : 82 chars de combat et 30 chars de génie et de dépannage. Le nombre de ces véhicules qui sont actuellement opérationnels n’a pas été précisé lors de la conférence de presse.

Les chars lourds du Canada s’ajoutent à ceux déjà promis par l’Allemagne (14 Leopard), les États-Unis (31 chars de combat Abrams), ou encore la Pologne (14 Leopard). On s’attend également à ce que la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas et la Finlande fournissent des blindés à Kyiv.

En plus d’envoyer des chars, le Canada prêtera des membres des Forces armées canadiennes, que l’on enverra « dans un pays tiers » afin de former les soldats ukrainiens sur l’utilisation de ces chars. On ignore combien de militaires seront affectés et où ils iront précisément.

Quatre chars, ce n’est pas énorme, mais le Canada ne pouvait se permettre d’en faire beaucoup plus, estime la professeure Anessa Kimball, de l’Université Laval.

Il faut tenir compte du fait que le Canada a quand même un niveau d’équipement militaire limité – et qu’on a déjà beaucoup donné.

Anessa Kimball, professeure au département de science politique de l’Université Laval

Et s’il n’y a pas au Canada autant de chars Leopard que sur le continent européen, c’est surtout en raison de sa position géographique, explique-t-elle. « En Europe, on pense en termes de conflits terrestres. Au Canada, une invasion terrestre, c’est une possibilité très, très mince », soutient la spécialiste en défense.

Zelensky en veut plus

Le Canada n’a pas mis de temps à procéder à l’annonce de ce don, dont la valeur n’a pas été révélée pour le moment. C’est seulement la veille que le chancelier allemand Olaf Scholz avait signalé que son gouvernement autorisait ses alliés possédant ces véhicules de construction allemande à les expédier à Kyiv.

Le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, avait promptement applaudi la décision des Occidentaux. Mais il a aussi semblé vouloir faire monter les enchères, en leur réclamant cette fois des missiles de longue portée et des avions de combat.

Les Pays-Bas ont laissé entendre qu’ils pourraient envoyer des appareils de chasse F-16 si Kyiv en faisait la demande, d’après le NL Times.

Et le Canada ? La ministre de la Défense nationale a esquivé la question : « Nous allons être pour l’Ukraine dans le court et le long terme avec l’aide militaire nécessaire pour gagner cette guerre, donc nous continuons à chercher ce que nous pouvons faire. »

Réactions favorables

Comme depuis le début de la guerre, tous les partis de l’opposition ont accueilli favorablement l’aide à Kyiv.

PHOTO JUSTIN TANG, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La députée bloquiste Christine Normandin

« Nous sommes solidaires du peuple ukrainien et réaffirmons notre appui à l’envoi d’armes pour aider ce pays », a déclaré la bloquiste Christine Normandin, s’inquiétant néanmoins du fait « que les chars envoyés sont pris à même les stocks des Forces armées, lesquels sont déjà limités ».

Son collègue conservateur Pierre Paul-Hus y va d’une analyse similaire : « À la base, c’est sûr que toute l’aide qu’on peut donner à l’Ukraine, on y est favorables. Par contre, il y a un enjeu : il faudrait renflouer les besoins des Forces canadiennes. On dit qu’il y a 82 Leopard disponibles, mais la ministre ne veut pas dire combien sont opérationnels. »

« Le Canada doit tout mettre en œuvre pour aider le peuple ukrainien à se défendre et à défendre son pays », a pour sa part commenté la néo-démocrate Lindsay Mathyssen. Son parti suggère néanmoins de fournir plus d’aide humanitaire pour protéger les personnes déplacées et celles qui fuient la violence.

Le Congrès des Ukrainiens canadiens a applaudi le don du gouvernement canadien. « Les chars fournis par le Canada et ses alliés changeront la donne dans la lutte pour la libération des territoires ukrainiens de la brutale occupation russe », a réagi sa présidente nationale, Alexandra Chyczij.

Au Kremlin, mercredi, le porte-parole Dmitri Peskov a plaidé que l’Occident « surestim[ait] le potentiel » que les chars procureront à l’armée ukrainienne. « Ces chars vont brûler comme tous les autres. […] Sauf que ceux-ci valent très cher, et ce sont les contribuables européens qui en feront les frais », a-t-il martelé.

Faut-il craindre une escalade ?

« Si les Russes veulent une désescalade, qu’ils quittent l’Ukraine », a tranché le général Eyre.

Avec l’Agence France-Presse